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Le Seigneur des Anneaux

 
 
L'Histoire : 
 
Livre I 
 
Nous sommes le 22 Semptembre 3001. Bilbon Sacquet, hobbit résidant à Hobbitebourg et son neveu Frodon Sacquet fêtent leurs anniversaires. Bilbon a 111 ans tandis que Frodon en a 33. Mais pendant le discours de Bilbon, celui-ci disparaît subitement. En faite, c'est un anneaux magique qui lui permet de se rendre invisible. Il veut partir voyager. Il lègue sa maison et tous ses biens à Frodon. En l'ans 3018 au mois d'Avril, un magicien ami de Bilbon, nommer Gandalf le Gris vient mettre Frodon en garde contre l'anneau. Il lui révèle que celui-ci a était créé par Sauron le ténébreux et qu'il le cherchait pour retrouvait sa puissance perdue. Car il avait mis toute sa force dans l'anneau qu'il avait perdu par la suite. Gandalf envoie Frodon dans la deumeure d'un elfe nommer Elrond. Il prend avec lui trois compagnons de route: Meriadoc Brandebouc appelé Merry, Peregrin Touque appelé Pipin et Samsagace Gamegie appelé Sam. Mais Sauron envoie des cavaliers noirs pour les arrêtaient. Ils arrivent à leur échappaient pour un temps en se réfugiant dans la maison d'un être étrange mais au grand coeur nommait Tom Bombadil. 
Pendant ce temps, Gandalf va consultait le chef de tout les magiciens: Sarumane le Blanc. Mais celui-ci est passé du côté de l'ennemi et garde Gandalf enprisonné dans sa haute toure nommée Orthanc. Frodon, Merry, Pipin et Sam arrivent finalement chez Elrond accompagné d'un homme qu'ils avaient rencontré durant une halte dans un village nommé Bree : Le Rôdeur Aragorn et y trouve Gandalf qui leur explique son emprisonnement et sa libération grâce au seigneur des vents, un aigle géant. Il leur révèle aussi qu'Aragorn est un de ses ami qu'il avait envoyé. Frodon découvre avec joie que Bilbon est aussi présent. Les elfes décident qu'il faut détruire l'anneau pour que Sauron ne regagne jamais plus sa puissance passé. Frodon se porte volontère pour l'amener jusqu'a la montagne de feu, le mont du destin, seule endroit ou l'anneau peut être détruit. Il partira avec huit compagnons. Ils se nomment Aragorn et Boromir pour les hommes, Legolas pour les elfes, Gimli pour les nains ainsi que Merry, Pipin, Sam et Gandalf. 
 
Livre II 
 
La communauté de l'anneau part et arrive à une chaîne de montagnes. Ils discutent. Il y a deux chemin : sois ils contournent les montagnes jusqu'au pays de Rohan, mais se chemin est gardée par Sarumane, sois par les mines de la Moria. Mais Aragorn et Gandalf savent qu'elles sont habitait par des orcs et des choses pires encore. Mais finalement ils déssident d'y aller. Malheureusement Pipin lance dans un puit un caillou. L'écot s'entend partout dans les mines. Les orcs passent à l'attaque et la compagnie fuit devant les ordes de créature. Soudain un Balrog surgis armée d'une épée et d'un fouet de feu. Il contiue leur course jusque à un étroits pont qui mène à la sortis. Mais Gandalf décide de le combattre et s'arrête au milieu du pont. Il lance un sort sur le pont et quand le Balrog arrivent il se casse, heureusement la partis où se tien Gandalf reste intacte. Mais le Balrog en tombant l'attrape de son fouet et le tire avec lui dans les profondeurs. Le reste de la compagnie réussit à s'enfuire. Ils se réfugient dans la forêt elfe : la Lotlorien. Galadriel, la reine des bois leur donne des bateaux pour continuer leur route sur un large fleuve. Arrivait aux chutes, ils s'arrêtent. Boromir veux aller en Gondor mais il faut aller en Mordor pour détruire l'anneau. La communauté se chamaille la dessus et Frodon va se balader sans se faire remarquer. Boromir l'a vus et le suis discrètement. Mais quand Aragorn vois que Frodon et Boromir ne sont pas là, il prend peur. Il sent qu'il y a des orcs pas très loin. Pendant se tant Boromir dit à Frodon qu'il devrait lui prêtait l'anneau pour vaincre Sauron mais Frodon refuse sachant que celui qui le porte est longment corompus. Alors Boromir, possédé par l'anneau l'attaque mais Frodon s'enfuit. Alors Boromir revient vers les autres et leur explique se qu'il a fait. Alors les hobbits s'élancent dans les bois en criant le nom de Frodon. Aragorn ordonnent à Boromir d'aller chercher Merry et Pipin tandis que lui trouve Sam et lui ordonne de rester ou il est. Frodon, lui veut partir seule. Mais Sam comprent les intentions de Frodon et cour vers le bateau ou Frodon l'embarque puis ils traversent la rivière. 
 
 
 
Le Livre
 
 
Prologue
 
 
I
 
Des Hobbits
 
 
Ce livre traite dans une large mesure des Hobbits et le lecteur découvrira dans ses pages une bonne part de leur caractère et un peu de leur histoire. On pourra trouver d'autres renseignements dans les extraits du Livre Rouge de la Marche de l'Ouest déjà publiés sous le titre: Le Hobbit. La présente histoire a pour origine les premiers chapitres du Livre Rouge composé par Bilbon lui-même premier Hobbit à devenir fameux dans le monde entier, il leur donna pour titre: Histoire d'un aller et retour, puisqu'ils traitaient de son voyage dans l'Est et de son retour: aventure qui devait engager tous les Hobbits dans les importants événements de cet Age, ici rapportés.  
Mais maints lecteurs voudront sans doute en savoir dès l'abord davantage sur ce peuple remarquable; certains peuvent aussi ne point posséder le premier livre. A l'intention de telles personnes, nous réunissons ici quelques notes sur les points les plus importants de la tradition hobbite, et nous rappelons brièvement la première aventure. 
Les Hobbits sont un peuple effacé mais très ancien, qui fut plus nombreux dans l'ancien temps que de nos jours; car ils aiment la paix, la tranquillité et une terre bien cultivée: une campagne bien ordonnée et bien mise en valeur était leur retraite favorite. Ils ne comprennent ni ne comprenaient, et ils n'aiment pas davantage les machines dont la complication dépasse celle d'un soufflet de forge, d'un moulin à eau ou d'un métier à tisser manuel, encore qu'ils fussent habiles au maniement des outils. Même dans l'ancien temps, ils se méfiaient des " Grandes Gens ", comme ils nous appellent, et à présent où ils nous évitent avec effroi, il devient difficile de les trouver. Ils ont l'oreille fine et l'oeil vif, et s'ils ont tendance à l'embonpoint et ne se pressent pas sans nécessité, ils n'en sont pas moins lestes et adroits dans leurs mouvements. Ils ont toujours eu l'art de disparaître vivement et en silence quand des Grandes Gens qu'ils ne désirent pas rencontrer viennent par hasard de leur côté, et cet art, ils l'ont développé au point qu'aux Hommes il pourrait paraître magique. Mais les Hobbits n'ont en fait jamais étudié de magie d'aucune sorte, et leur caractère insaisissable est dû uniquement à une habileté professionnelle que l'hérédité et la pratique, ainsi qu'une amitié intime avec la terre, ont rendue inimitable pour les races plus grandes et plus lourdes. 
Car ce sont de petites personnes, plus menues que les Nains: ils sont moins gros et trapus, disons, même s'ils ne sont pas vraiment beaucoup plus courts. Leur taille est variable et va de 60 cm à 1 m 20 selon notre mesure. Aujourd'hui, ils atteignent rarement 90 cm; mais ils ont diminué, disent-ils, et dans l'ancien temps ils étaient plus grands. D'aprés le Livre Rouge, Bandobras Touque (Le taureau mugissant), fils d'lsengrin II, mesurait 1 m 40 et il était capable de monter à cheval. Il ne fut dépassé dans toutes les annales hobbites que par deux personnages fameux de l'ancien temps; mais il sera traité de ce curieux sujet dans le présent livre. 
Quant aux Hobbits de la Comté, dont il s'agit dans ces récits, ils étaient, du temps de leur paix et de leur prospérité, de joyeuses gens. Ils se vêtaient de couleurs vives et affectionnaient particulièrement le jaune et le vert; mais ils portaient rarement des chaussures, leurs pieds ayant la plante dure comme du cuir et étant revêtus d'un épais poil frisé, très semblable à leur chevelure, communément brune. Ainsi le seul métier manuel qui fût peu en honneur chez eux était-il la cordonnerie; mais ils avaient les doigts longs et habiles, et ils savaient fabriquer bien d'autres objets utiles et agréables à l'oeil. Leur visage était en règle générale plus aimable que beau - large, avec les yeux brillants, les joues rouges et la bouche toute prête au rire, au manger et au boire. Et, pour ce qui était de rire, de manger et de boire, ils le faisaient bien, souvent et cordialement, car ils aimaient les simples facéties en tout temps et six repas par jour (quand ils pouvaient les avoir). Ils étaient hospitaliers, et ils se plaisaient aux parties ainsi qu'aux cadeaux, qu'ils s'offraient avec libéralité et qu'ils acceptaient avidement. 
Il est clair qu'en dépit d'un éloignement ultérieur, les Hobbits nous sont apparentés: ils sont beaucoup plus proches de nous que les Elfes ou même que les Nains. Ils parlaient autrefois la langue des hommes, à leur propre façon, et leurs goûts étaient très semblables à ceux des hommes dans leurs inclinations ou leurs aversions. Mais il est impossible de découvrir aujourd'hui notre relation exacte. L'origine des Hobbits remonte très loin dans les temps anciens, maintenant perdus et oubliés. Seuls les Elfes conservent encore des annales de cette époque évanouie, et leurs traditions ne concernent pratiquement que leur propre histoire, dans laquelle les Hommes apparaissent rarement et où il n'est fait aucune mention des Hobbits. Il est cependant clair que ceux-ci avaient, en fait, vécu tranquillement dans la Terre du Milieu durant de longues années avant que d'autres n'eussent même conscience de leur existence. Et le monde étant après tout rempli d'innombrables créatures étranges, ce petit peuple semblait de bien peu d'importance. Mais du temps de Bilbon et de son héritier Frodon, ils devinrent soudain, malgré eux, importants et renommés, et ils troublèrent les conseils des Sages et des Grands. 
Ces temps, le Tiers Age de la Terre du Milieu, sont du lointain passé, et la forme de toutes les terres a été modifiée; mais les régions où vivaient alors les Hobbits étaient sans doute celles où ils demeurent encore: le Nord-Ouest de l'Ancien Monde, à l'Est de la Mer. De leur pays originel, les Hobbits du temps de Bilbon ne conservent aucune connaissance. Le goût du savoir (autre que la généalogie) était peu prononcé parmi eux, mais il restait encore quelques membres des plus anciennes familles qui étudiaient leurs propres livres et même rassemblaient les documents des anciens temps et des terres lointaines auprès des Elfes, des Nains et des Hommes. Leurs propres archives ne remontaient qu'à l'établissement de la Comté, et leurs légendes les plus anciennes ne se reportaient pas au-delà du temps de leur odyssée. Il ressort néanmoins clairement de ces légendes et du témoignage de leurs paroles et coutumes particulières que, comme maints autres peuples, les Hobbits s'étaient dans un lointain passé déplacés vers l'Ouest. Leurs plus anciens récits semblent entrevoir un temps où ils demeuraient dans les vallées supérieures de l'Anduin, entre les saillants de Vertbois-le-Grand et les Monts Brumeux. On ne sait plus avec certitude pour quelle raison ils entreprirent plus tard la dure et périlleuse traversée des montagnes et se rendirent en Eriador. Leurs propres récits parlent de la multiplication des Hommes dans le pays et d'une ombre tombée de la forêt, de sorte qu'elle devint ténébreuse et reçut le nouveau nom de Forêt Noire. 
Avant la traversée des montagnes, les Hobbits s'étaient déjà divisés en trois branches quelque peu différentes: les Pieds velus, les Forts et les Pâles. 
Les Pieds velus étaient plus bruns de peau, plus petits et plus courts; ils n'avaient pas de barbe, et ils allaient sans chaussures; ils avaient les mains et les pieds agiles et lestes; ils préféraient les hautes terres et les collines. Les Forts étaient plus larges, de conformation plus lourde; leurs mains et leurs pieds étaient plus grands; ils préféraient les terrains plats et le bord des rivières. Les Pâles étaient plus clairs de peau et aussi de cheveux, et ils étaient plus grands et plus élancés que les autres; ils aimaient les arbres et les terrains boisés. 
Les Pieds velus eurent beaucoup de rapports avec les Nains dans les temps anciens, et ils vécurent longtemps sur les contreforts des montagnes. Ils émigrèrent de bonne heure dans l'Ouest et ils parcoururent l'Eriador jusqu'au Mont Venteux, tandis que les autres étaient encore au Pays Sauvage. C'était la variété la plus normale et la plus représentative des Hobbits, de beaucoup la plus nombreuse. Ils étaient les plus enclins à s'établir dans un endroit précis, et ce furent eux qui conservèrent le plus longtemps la coutume ancestrale de vivre dans des galeries et des trous. 
Les Forts s'attardèrent longtemps sur les bords du Grand Fleuve Anduin, et ils craignaient moins les Hommes. Ils vinrent dans l'Ouest après les Pieds velus et suivirent le cours de la Sonoreau en direction du sud; et là, ils furent nombreux à demeurer entre Tharbad et la frontière du Pays de Dun avant de repartir vers le nord. 
Les Pâles, les moins nombreux, étaient une branche nordique. Ils avaient plus de rapports amicaux avec les Nains que les autres Hobbits, et ils s'entendaient davantage au langage et au chant qu'aux travaux manuels; et jadis ils préféraient la chasse à l'agriculture. Ils traversèrent la montagne au nord de Fondcombe et suivirent la Fontgrise. En Eriador, ils ne tardèrent pas à se mêler aux autres espèces qui les avaient précédés; mais, plus hardis et plus aventureux, on les trouvait souvent comme meneurs ou chefs de clan parmi les Pieds velus ou les Forts. Même du temps de Bilbon, on pouvait encore constater la puissante veine pâle dans les grandes familles telles que les Touque et les Maitres du Pays-de-Bouc. 
Dans les terres de l'ouest d'Eriador, entre les Monts Brumeux et les Monts de Lhùn, les Hobbits trouvèrent tant des Hommes que des Elfes. En fait, demeurait là un restant des Dunedains, les rois des Hommes qui vinrent par la mer de l'Ouistrenesse; mais ils diminuaient rapidement, et les terres de leur royaume du nord retombaient partout en friche. La place ne manquait pas pour de nouveaux arrivants, et les Hobbits ne tardèrent pas à s'établir en communautés ordonnées. La plupart de leurs premiers établissements, depuis longtemps disparus, étaient oubliés à l'époque de Bilbon; mais l'un des premiers à prendre de l'importance avait persisté, bien qu'en dimension réduite; il se trouvait à Bree au milieu de la forêt de Chet, à quelque quarante milles à l'est de la Comté. 
Ce fut sans nul doute en ces temps anciens que les Hobbits apprirent leurs lettres et commencèrent à écrire à la manière des Dunedains, qui avaient eux-mêmes acquis longtemps auparavant cet art des Elfes. Et à cette époque aussi ils oublièrent les langues qu'ils pouvaient avoir parlées antérieurement, pour adopter dorénavant le langage ordinaire, nommé Ouistrain, courant dans tous les territoires des rois de l'Arnor au Condor et le long de toutes les côtes de la mer, de Belfalas à Lune. Ils conservèrent néanmoins quelques mots à eux, ainsi que leurs propres appellations pour les mois et les jours et un grand fonds de noms personnels du passé. 
C'est vers cette époque que, chez les Hobbits, la légende commence à devenir de l'histoire avec une datation des années. Car ce fut en l'an mille six cent un du Tiers Age que les frères Pales Marchon et Blancon partirent de Bree; et après avoir obtenu la permission du grand roi de Fornost (1), ils franchirent la rivière brune Baranduin avec une grande suite de Hobbits. Ils passèrent par le pont des Arbalètes qui avait été construit du temps de la puissance du Royaume du Nord et prirent tout le territoire au-delà pour y résider, entre la rivière et les Monts Reculés. Ils eurent pour seules obligations de maintenir en bon état le Grand Pont ainsi que tous les autres ponts et les routes, de faciliter le voyage des messagers du roi et de reconnaître sa suzeraineté. 
Ainsi débuta la datation de la Comté car l'année du passage du Brandevin (c'est ainsi que les Hobbits modifièrent le nom) devint l'An Un de la Comté, et toutes les dates suivantes furent calculées en conséquence (2). Les Hobbits occidentaux tombèrent aussitôt amoureux de leur nouveau territoire; ils y demeurèrent et ne tardèrent pas à sortir derechef de l'histoire des Hommes et des Elfes. Tant qu'il y eut un roi, ils furent nominalement ses sujets; mais ils étaient gouvernés en fait par leurs propres chefs, et ils ne se mêlaient en aucune façon des événements du monde extérieur. Lors de la dernière bataille à Fornost avec le seigneur-magicien d'Angmar, ils envoyèrent des archers au secours du roi ou tout au moins est-ce ce qu'ils soutenaient, encore qu'on n'en trouve aucune trace dans les annales des Hommes. Mais, dans cette guerre, le Royaume du Nord prit fin; les Hobbits gardèrent alors le pays pour leur propre compte, et ils choisirent parmi leurs chefs un Thain pour détenir l'autorité du roi disparu. Là, durant mille ans, ils furent peu troublés par les guerres; ils prospérèrent et se multiplièrent après la Peste Noire (D.C. 37) jusqu'au désastre du long hiver et à la famine qui s'ensuivit. Des milliers de gens périrent alors, mais les Jours de Disette (1158) étaient depuis longtemps passés à l'époque de ce récit, et les Hobbits étaient de nouveau accoutumés à l'abondance. La terre était riche et favorable; en dépit d'un long abandon avant leur arrivée, elle avait été auparavant bien cultivée, et le roi y avait eu de nombreuses fermes, des terres à blé, des vignes et des bois. 
Le pays s'étendait sur quarante lieues des Haut Reculés au Pont du Brandevin et sur cinquante des landes du nord aux marais du sud. Les Hobbits le nommèrent la Comté, comme région placée sous l'autorité de leur Thain et district d'affaires bien ordonnées; là, dans cet agréable coin du monde, ils menèrent l'affaire bien ordonnée de leur vie, et ils s'occupèrent de moins en moins du monde extérieur où évoluaient de sombres choses, au point qu'ils en vinrent à penser que la paix et l'abondance étaient de règle dans la Terre du Milieu et de droit pour tous les gens sensés. Ils oublièrent ou négligèrent le peu qu'ils avaient jamais su des Gardiens et des peines de ceux qui avaient rendu possible la longue paix de la Comté. S'ils étaient en fait à l'abri, ils en avaient perdu le souvenir. 
Jamais les Hobbits d'aucune sorte n'avaient été belliqueux et ils ne s'étaient jamais battus entre eux. Dans les temps anciens, ils avaient souvent été obligés, bien sûr, de se battre pour se maintenir dans un monde dur, mais à l'époque de Bilbon, c'était de l'histoire très ancienne. La dernière bataille avant le début de ce récit, et en fait la seule qui eût jamais été livrée à l'intérieur de la Comté datait d'un temps immémorial: c'était la Bataille des Champs Verts (D.C. 1147), dans laquelle Bandobras Touque défit une invasion d'Orques. Même le climat s'était fait plus doux, et les loups qui autrefois, pendant les hivers rigoureux, descendaient du nord en quête de leur proie n'étaient plus qu'un conte de bonne femme. Aussi, bien qu'il y eût encore une certaine quantité d'armes dans la Comté, ne servaient-elles surtout que comme trophées, suspendues au-dessus des cheminées et sur les murs ou rassemblées au musée de Grand'Cave. On appelait celui-ci la Maison des Mathoms, car tout ce pour quoi les Hobbits n'avaient pas d'usage immédiat, mais qu'ils ne voulaient pas jeter, ils le nommaient un mathom. Leurs demeures avaient tendance à être un peu encombrées de mathoms, et maints cadeaux qui passaient de main en main étaient de cette sorte. 
Le bien-être et la paix avaient néanmoins laissé à ce peuple une étrange endurance. Ils étaient, si les choses en venaient là, difficiles à abattre ou à tuer, et peut-être la raison pour laquelle ils aimaient si insatiablement les bonnes choses était-elle qu'ils pouvaient s'en passer en cas de nécessité; ils étaient capables aussi de survivre aux plus durs assauts du chagrin, de l'ennemi ou du temps au point d'étonner qui ne les connaissant pas bien, ne regardait pas plus loin que leur panse et leur figure bien nourrie. Quoique lents à la querelle et ne tuant aucun être vivant pour le plaisir de la chasse ils étaient vaillants quand ils étaient acculés et, au besoin ils savaient encore manier les armes. Ils tiraient bien à l'arc, car ils avaient l'oeil perçant et ils frappaient juste. Et pas seulement avec l'arc et les flèches. Quand un Hobbit se baissait pour ramasser une pierre, il était bon de se mettre vivement à couvert, comme le savaient bien tous les animaux intrus. 
Les Hobbits avaient tous vécu à l'origine dans des trous creusés dans le sol, ou tout au moins le croyaient-ils, et c'est dans de telles demeures qu'ils se sentaient le plus à l'aise; mais avec le temps ils avaient dû adopter d'autres formes d'habitations. De fait, dans la Comté au temps de Bilbon, seuls en général les plus riches et les plus pauvres maintenaient l'ancienne coutume. Les plus pauvres continuaient à vivre dans des terriers de l'espèce la plus primitive, de simples trous en vérité à une seule fenêtre ou sans fenêtre du tout; tandis que les gens cossus construisaient des versions plus luxueuses des simples excavations d'autrefois. Mais les sites convenables à ces vastes tunnels ramifiés (ou santals, comme on les appelait) ne se trouvaient pas n'importe où; et dans les terrains plats et les régions basses, les Hobbits, à mesure qu'ils se multipliaient, commencèrent à construire en surface. En fait, même dans les régions accidentées et dans les villages les plus anciens, tels que Hobittebourg ou Bourg de Touque, ou dans la commune principale de la Comté, Grand'Cave sur les Blancs-Hauts, il y avait à présent nombre de maisons de bois, de brique ou de pierre. Elles étaient particulièrement en faveur auprès des meuniers des forgerons, des cordiers, des charrons et autres artisans; car, même quand ils avaient des trous à habiter, les Hobbits avaient dès longtemps accoutumé de construire des hangars et des ateliers. 
L'habitude de construire des fermes et des granges avait, selon la tradition, pris naissance parmi les habitants du Maresque sur les bords du Brandevin. Les Hobbits de cette région, le Quartier de l'Est, étaient assez grands, lourds de jambes, et ils portaient des battes de nains par temps boueux. Mais, de notoriété publique, ils avaient une grande part de sang Fort, comme il se voyait bien au duvet que nombre d'entre eux portaient au menton. Nul Pied velu et nul Pâle n'avait trace de barbe. En fait, les gens du Maresque et du Pays de Bouc, à l'est de la rivière, qu'ils occupèrent par la suite, arrivèrent pour la plupart postérieurement dans la Comté, venant du sud; et ils ont encore maints noms particuliers et maints mots étranges qui ne se rencontrent pas ailleurs dans la Comté. 
Il est probable que l'art de construire provint, comme bien d'autres, des Dunedains. Mais les Hobbits ont pu l'apprendre directement des Elfes, les maîtres des Hommes dans leur jeunesse. Car les Elfes de haute lignée n'avaient pas encore abandonné la Terre du Milieu, et ils résidaient encore à cette époque aux Havres Gris dans l'ouest et à d'autres endroits accessibles de la Comté. On pouvait encore voir trois tours des Elfes d'âge immémorial sur les Collines des Tours, au-delà des Marches de l'Ouest. Elles brillaient au loin au clair de lune. La plus haute était la plus éloignée, et elle se dressait isolée sur une butte verte. Les Hobbits du Quartier de l'Ouest disaient que du haut de cette tour on pouvait voir la mer; mais on ne sache pas qu'aucun Hobbit y ait jamais grimpé. En vérité, peu de Hobbits avaient jamais vu la mer ou navigué dessus et encore bien moins étaient jamais revenus pour le raconter. La plupart d'entre eux considéraient même les rivières et les petites embarcations avec une grande méfiance, et rares étaient ceux qui savaient nager. A mesure que les jours de la Comté s'étendaient, les Hobbits eurent de moins en moins de rapports avec les Elfes; ils commencèrent à les craindre et à se défier de ceux qui les fréquentaient; la mer devint parmi eux un mot redoutable, un signe de mort, et ils détournèrent le visage des collines de l'ouest. 
Peut-être l'art de construire vint-il des Elfes ou des Hommes, mais les Hobbits l'appliquèrent à leur façon. Ils n'élevèrent pas de tours. Leurs maisons étaient habituellement longues, basses et confortables. Les plus anciennes n'étaient en fait qu'une imitation bâtie des smials, couverte d'herbe sèche, de paille ou de tourbe, avec des murs quelque peu bombés. Ce stade appartenait toutefois aux premiers temps de la Comté, et la construction hobbite s'était depuis longtemps modifiée, améliorée grâce à des procédés appris des Nains ou découverts par eux-mêmes. Une préférence pour les fenêtres et même les portes rondes était la principale particularité subsistante de l'architecture hobbite. 
Les maisons et les trous des Hobbits de la Comté étaient souvent vastes et habités par des familles nombreuses. (Bilbon et Frodon Sacquet, célibataires, étaient très exceptionnels, comme en bien d'autres matières, par exemple leur amitié avec les Elfes.) Parfois, comme dans le cas des Touque des Grands Smials ou des Brandebouc de Château-Brande, de nombreuses générations de parents vivaient ensemble en paix (relative) dans une seule demeure ancestrale à nombreuses galeries. Les Hobbits étaient tous, et dans tous les cas, attachés aux clans, et ils tenaient un compte extrêmement soigneux de leurs parentés. Ils dressaient des arbres généalogiques longs et compliqués, aux branches innombrables. Quand on a affaire aux Hobbits, il est important de se rappeler qui est parent de qui, et à quel degré. Il serait impossible de donner dans ce livre un arbre généalogique qui ne comprenne même que les membres les plus importants des principales familles à l'époque où se déroule le présent récit. Les généalogies qui se trouvent à la fin du Livre Rouge de la Marche de l'Ouest forment à elle seules un petit livre, et tous autres que les Hobbits les trouveraient extrêmement fastidieuses. Eux se délectaient de pareilles choses, si elles étaient exactes; ils aimaient avoir des livres emplis de choses qu'ils savaient déjà, posées nettement et sans conteste. 
 
(1) Selon les archives de Gondor, il s'agissait d Argeleb II, vingtième de la dynastie du Nord, qui devait s'éteindre trois cents ans plus tard avec Arvedvi. 
(2) Ainsi pourra-t on déterminer les années du Tiers Age selon les Elfes et les Dùnedains en ajoutant 1600 à la datation de la Comté. 
 
 
II
 
De l'Herbe à Pipe
 
 
Il est une autre chose à mentionner au sujet des Hobbits du temps jadis, une habitude étonnante : ils aspiraient ou inhalaient au moyen de pipes en terre ou en bois la fumée des feuilles en combustion d'une herbe qu'ils appelaient herbe ou feuille à pipe, sans doute une variété de Nicotiana. Une bonne dose de mystère entoure les origines de cette coutume particulière, de cet " art " comme les Hobbits préféraient l'appeler. Tout ce qui a pu etre découvert à ce sujet dans l'Antiquité a été réuni par Meriadoc Brandebouc (par la suite Maître du Pays de Bouc) et, puisque-lui-même et le tabac du Quartier Sud jouent un rôle dans l'histoire qui suit, il sera bon de citer l'introduction à son Herbier de la Comté. 
" Cet art, dit-il, est bien celui que nous pouvons revendiquer comme étant de notre invention. On ne sait quand les Hobbits commencèrent à fumer; toutes les légendes et les histoires de famille le considèrent comme chose établie; durant des siècles, les gens de la Comté fumèrent différentes herbes, certaines nauséabondes, d'autres odorantes. Mais tous les documents s'accordent sur le fait que ce fut Tobold Sonnocor de Longoulet dans le Quartier Sud qui le premier fit pousser la véritable herbe à pipe dans ses jardins, du temps d'Isengrin II, vers l'an 1070 de la datation de la Comté. La meilleure du pays provient toujours de ce district, spécialement les variétés connues sous les noms de Feuille de Longoulet, Vieux Tobie et Etoile du Sud. 
" Il n'existe aucune trace de la façon dont le Vieux Tobie trouva la plante, car il ne voulut jamais le révéler de son vivant. Il avait une grande connaissance des herbes, mais il n'était pas voyageur. On dit que dans sa jeunesse il se rendait souvent en Bree, encore qu'il ne se fût certainement jamais éloigné davantage de la Comté. Il est donc fort possible qu'il ait eu connaissance de cette plante en Bree où, maintenant en tout cas, elle pousse bien sur les versants sud de la colline. Les Hobbits de Bree prétendent avoir été les premiers fumeurs de l'herbe à pipe. Ils prétendent, naturellement, avoir tout fait avant les gens de la Comté, qu'ils traitent de " colons "; mais dans ce cas leur prétention est, à mon avis, sans doute justifiée. Et c'est certainement de Bree que l'art de fumer l'herbe véritable se répandit au cours des siècles récents parmi les Nains et autres gens tels que les Rôdeurs, les Magiciens ou les vagabonds qui allaient et venaient encore par cet ancien carrefour de routes. Le lieu et centre de l'art se trouve ainsi dans la vieille auberge de Bree, le Poney Fringant, tenue de temps immémorial par la famille Poiredebeurré. 
" Néanmoins, certaines observations que j'ai faites au cours des mes nombreux voyages dans le sud m'ont convaincu que l'herbe même n'est pas originaire de notre partie du monde, mais qu'elle est venue vers le nord de l'Anduin inférieur, où elle fut, je l'imagine, originairement apportée par mer par les hommes de l'Ouistrenesse. Elle pousse en abondance en Gondor; elle y est plus plantureuse et plus grande que dans le nord, où on ne la trouve jamais à l'état sauvage, mais où elle ne croît qu'en des endroits chauds et abrités comme Longoulet. Les hommes de Gondor la nomment galetas douce, et ils ne l'apprécient que pour la fragrance de ses fleurs. De cette terre, elle a dû être transportée par le Chemin Vert au cours des siècles qui s'écoulèrent entre la venue d'Elendil et notre propre époque. Mais les Dunedains de Gondor eux-mêmes nous accordent que les premiers à la mettre dans des pipes furent les Hobbits. Même les Magiciens n'y pensèrent pas avant nous. Encore que l'un d'entre eux, que j'ai connu, se soit adonné à cet art il y a bien longtemps et qu'il y fût devenu aussi habile qu'en tout ce à quoi il s'appliquait. " 
 
 
III
 
De l ‘Ordonnance de la Comté
 
 
La Comté était divisée en quatre Quartiers, auxquels nous avons déjà fait allusion: le nord, le sud, l'est et l'ouest; et ceux-ci comprenaient à leur tour un certain nombre de régions qui portaient encore le nom de quelques-unes des anciennes familles marquantes, bien qu'à l'époque de cette histoire ces noms ne se trouvassent plus seulement dans leur propre région. Presque tous les Touque vivaient encore en Pays de Touque, mais il n'en était pas de même de maintes autres familles, tels les Sacquet et les Bophin. A l'extérieur des Quartiers se trouvaient les Marches de l'Est et de l'Ouest: le Pays de Bouc, et la Marche de l'Ouest annexée à la Comté en C.12.1462. 
La Comté n'avait guère à cette époque de " gouvernement ". Les familles géraient pour la plus grande part leurs propres affaires. Faire pousser la nourriture et la consommer occupaient la majeure partie de leur temps. Pour le reste, ils étaient à l'ordinaire généreux et peu avides, et comme ils se contentaient de peu, les domaines, les fermes, les ateliers et les petits métiers avaient tendance à demeurer les mêmes durant des générations. 
Restait, naturellement, l'ancienne tradition du haut roi de Fornost, ou Norchâteau comme ils l'appelaient, loin au nord de la Comté. Mais il n'y avait plus de rois depuis près de mille ans, et même les ruines de Norchâteaule-Roy étaient couvertes d'herbe. Les Hobbits disaient cependant des sauvages et des vilaines choses (comme les trolls) que ceux-ci n'avaient jamais entendu parler du roi. Car ils attribuaient au roi de l'ancien temps toutes leurs lois essentielles; et ils les observaient d'ordinaire de bon gré, parce que c'étaient les règles (comme ils disaient), tant anciennes que justes. 
Il est vrai que la famille des Touque avait été longtemps prééminente; car la fonction de Thain leur était dévolue (des Vieilbouc) quelques siècles auparavant, et le chef Touque avait toujours porté le titre depuis lors. Le Thain était le maître de l'Assemblée de la Comté et le capitaine du rassemblement et de la hobitterie sous les armes; mais comme l'assemblée et le rassemblement n'avaient lieu qu'en cas de circonstances critiques, qui ne se présentaient plus, la Thanerie n'était plus qu'une dignité nominale. En vérité, la famille Touque jouissait toujours d'un respect spécial, car elle demeurait en même temps nombreuse et extrêment riche, et elle produisait à chaque génération de forts caractères aux moeurs originales et même de tempérament aventureux. Ces dernières qualités étaient toutefois plutôt tolérées (chez les riches) que généralement approuvées. La coutume demeurait néanmoins de donner au chef de la famille l'appellation de " Le Touque " (1), et d'y ajouter un numéro s'il y avait lieu : ainsi d'Isengrin II, par exemple. 
Le seul personnage officiel de la Comté était à cette date le maire de Grand'Cave (ou de la Comté), qui était élu tous les sept ans à la Foire Libre tenue sur les Blancs-Hauts au Lithe, c'est-à-dire au solstice d'été. Comme maire, il n'avait guère pour fonctions que de présider des banquets donnés les jours de fête de la Comté, qui se présentaient à intervalles fréquents. Mais aux fonctions de maire étaient attachées celles de Maitre des Postes et de Premier Shirriff, de sorte qu'il dirigeait en même temps le Service des Messagers et le Guet. C'étaient les seuls services de la Comté et les messagers étaient les plus nombreux et de beaucoup les plus actifs des deux. Les Hobbits étaient loin d'être tous lettrés, mais ceux qui l'étaient ne cessaient d'écrire à tous ceux de leurs amis (et à un choix de relations) qui habitaient à plus d'un après-midi de marche. 
Shirrifs était le nom que les Hobbits donnaient à leur police ou à ce qui approchait le plus chez eux de policiers. Ceux-ci ne portaient évidemment pas d'uniforme (pareille chose étant totalement inconnue), mais une simple plume au chapeau, et c'étaient en fait davantage des gardes champêtres que des policiers, qui avaient plus à s'occuper des égarements des animaux que des gens. Ils n'étaient que douze dans toute la Comté, trois par Quartier, pour le travail de l'Intérieur, Un corps plutôt plus nombreux, variable selon les besoins, était affecté à " battre les limites du pays " pour s'assurer qu'aucun intrus, grand ou petit, ne causait de nuisance. 
A l'époque où commence ce récit, le nombre des Frontaliers, comme on les appelait, s'était grandement accru. On parlait beaucoup, pour s'en plaindre, de personnes et de créatures étranges qui rôdaient le long des frontières ou les passaient: premier signe que tout n'était pas tout à fait dans l'ordre, comme ce l'avait toujours été, sinon dans les contes et légendes du temps jadis. Peu de gens en tinrent compte, et même Bilbon n'avait encore aucune idée de ce que cela présageait. Soixante années s'étaient écoulées depuis qu'il était parti pour sa mémorable expédition, et il était vieux même pour les Hobbits, qui atteignaient souvent la centaine; mais il lui restait manifestement une bonne partie des richesses considérables qu'il avait rapportées. Combien, il ne le révélait à personne, pas même à Frodon, son " neveu " préféré. Et il gardait toujours le secret sur l'anneau qu'il avait trouvé. 
 
(1) Cette coutume existe toujours en Ecosse pour le chef du clan. 
 
 
IV
 
De la Découverte de l’Anneau
 
 
Comme il est raconté dans Le Hobbit, se présentèrent un jour à la porte de Bilbon le grand Magicien, Gandalf le Gris, et avec lui treize Nains: nuls autres, en vérité, que Thorin Ecu de Chêne, descendant de rois, et ses douze compagnons en exil. Avec eux, il se mit en route à son durable étonnement, un matin d'avril de l'an 1341 de la datation de la Comté pour la quête du grand trésor des Nains, amassé jadis par les rois sous la montagne, sous Erebor du Val, loin dans l'est. La quête fut couronnée de succès, et le dragon qui gardait le trésor fut détruit. Mais bien qu'avant le succès final eût eu lieu la Bataille des Cinq Armées, où Thorin fut tué et où furent accomplis beaucoup de hauts faits, l'affaire n'aurait guère intéressé l'histoire ultérieure ni valu plus qu'une note dans les longues annales du Tiers Age, sans un " accident " fortuit. Le groupe fut assailli par des Orques dans un haut col des Monts Brumeux, alors qu'il se dirigeait vers le Pays Sauvage; il arriva ainsi que Bilbon fut perdu pendant quelque temps dans les ténébreuses mines arques au plus profond de la montagne; et là, en tâtonnant vainement dans le noir, il posa la main sur un anneau qui gisait sur le sol d'une galerie. Il le mit dans sa poche. Cela ne lui sembla sur le moment qu'un simple hasard. 
Dans ses efforts pour trouver une sortie, Bilbon descendit dans le tréfonds de la montagne jusqu'au moment où il ne put aller plus loin. Au fond de la galerie s'étendait un lac glacé, loin de toute lumière, et sur une île constituée par un rocher au milieu de l'eau vivait Gollum. C'était une créature répugnante: il dirigeait une petite barque en pagayant avec ses grands pieds plats, scrutant l'obscu rité de ses yeux d'une pâle luminescence et attrapant avec ses longs doigts des poissons aveugles qu'il consommait crus. Il mangeait toute créature vivante, même de l'orque, s'il pouvait l'attraper et l'étrangler sans lutte. Il possédait un trésor secret qui lui était échu il y avait très, très longtemps, alors qu'il vivait encore à la lumière: un anneau d'or qui rendait invisible qui le portait. C'était l'unique objet de son amour, son " trésor " et il lui parlait, même quand l'objet n'était pas avec lui. Car il le gardait caché en sûreté dans un trou de son île, sauf quand il chassait ou espionnait les arques des mines. 
Peut-être eût-il attaqué Bilbon aussitôt s'il avait eu l'anneau sur lui au moment de leur rencontre; mais tel n'était pas le cas, et le Hobbit tenait à la main une dague d'Elie qui lui servait d'épée. Aussi, pour gagner du temps, Gollum défia-t-il Bilbon au jeu des énigmes, disant que, s'il posait une énigme que Bilbon ne pouvait deviner, il le tuerait et le mangerait mais si Bilbon le battait, il ferait ce que Bilbon voudrait; il le mènerait à une sortie des galeries. 
Perdu sans espoir dans les ténèbres et ne pouvant ni continuer ni retourner en arrière, Bilbon accepta le défi; et ils se posèrent réciproquement un grand nombre d'énigmes. Bilbon finit par gagner, plus par chance (semblait-il) que par ingéniosité; car réduit finalement à quia pour poser une énigme, il s'écria, comme sa main rencontrait l'anneau qu'il avait ramassé et oublié: " Qu'ai-je dans ma poche? " A cette question, Gollum ne put répondre, malgré sa demande de trois chances. 
Les autorités diffèrent, il est vrai sur le point de savoir si cette dernière question était une simple " question " et non une " énigme " conforme aux règles strictes du jeu; mais tous conviennent qu'après l'avoir acceptée et avoir tenté de trouver la réponse, Gollum était tenu par sa promesse. Et Bilbon le pressa d'observer sa parole; car la pensée lui vint que cette créature visqueuse pourrait se révéler déloyale, bien que certaines promesses fussent tenues pour sacrées et qu'autrefois tous, hormis les plus pervers, craignissent de les enfoindre. Mais, après des siècles de solitude dans les ténèbres, le coeur de Gollum était noir et abritait la perfidie. Il s'esquiva et regagna son île, que Bilbon ignorait, non loin dans l'eau sombre. Là, se trouvait son anneau, pensait-il. Il avait faim à présent et il était irrité; or, une fois qu'il aurait son " trésor " avec lui, il n'aurait plus à craindre aucune arme. 
Mais l'anneau n'était pas dans l'île; il l'avait perdu, l'anneau avait disparu. Son cri perçant fit frémir Bilbon, bien qu'il ne comprit pas encore ce qui s'était passé. Mais Gollum avait enfin sauté sur une solution, trop tard. Qu'est-ce que ça a dans ses poches ? cria-t-il. La lueur de ses yeux ressemblait à une flamme verte comme il revenait en hâte pour tuer le Hobbit et récupérer son " trésor ". Bilbon vit juste à temps le péril où il était; il s'enfuit à l'aveuglette dans la galerie qui l'éloignait de l'eau, et sa chance le sauva une fois de plus. Car, dans sa course, il mit la main dans sa poche et l'anneau se glissa doucement à son doigt. Ce fut ainsi que Gollum passa près de lui sans le voir et poursuivit son chemin pour garder l'issue, de peur que le " voleur " ne s'échappât. Bilbon le suivit avec précaution, tandis qu'il allait, jurant et se parlant à lui-même de son " trésor "; et, à ses propos, Bilbon finit par deviner la vérité, et l'espoir lui vint dans les ténèbres: il avait lui-même trouvé l'anneau merveilleux et une chance d'échapper aux Orques et à Gollum. 
Ils finirent par s'arrêter devant une ouverture invisible qui menait aux portes inférieures des mines sur le versant oriental des montagnes. Là, Gollum s'accroupit, aux abois, flairant et écoutant, et Bilbon fut tenté de le tuer avec son épée. Mais la pitié le retint et, s'il garda l'anneau dans lequel résidait son seul espoir, il ne voulut pas s'en servir pour tuer la misérable créature en état d'infériorité. Enfin, rassemblant tout son courage, il bondit dans le noir par-dessus Gollum et s'enfuit le long du passage, poursuivi par les cris de haine et de désespoir de son ennemi: " Voleur, voleur! Sacquet! On le hait z'a jamais! " 
 
Or, fait curieux, ce n'est pas ainsi que Bilbon raconta d'abord l'histoire à ses compagnons. Pour eux, son récit fut que Gollum avait promis de lui faire un cadeau, s'il gagnait la partie, mais en allant chercher le trésor dans son île, il en avait découvert la disparition: c'était un anneau magique qui lui avait été donné longtemps auparavant pour son anniversaire. Bilbon avait deviné qu'il s'agissait de l'anneau même qu'il avait trouvé et, comme il avait gagné la partie, l'anneau lui appartenait déjà de droit. Mais, se trouvant en lieu fermé, il n'en dit rien et laissa Gollum lui montrer l'issue comme récompense et non comme cadeau. C'est cette version que Bilbon consigna dans ses mémoires, et il semble ne l'avoir jamais modifiée lui-même, fût-ce même après le Conseil d'EIrond. Elle parut encore à l'évidence dans le Livre Rouge original, comme dans maintes copies et abrégés. Mais nombre de transcriptions contiennent la version réelle (en variante), tirée sans doute des notes de Frodon ou de Samsagace, qui avaient tous deux appris la vérité, encore qu'ils semblent n'avoir rien voulu supprimer de ce qui avait été positivement écrit par le vieux Hobbit lui même. 
A la première audition du récit de Bilbon, Gandalf ne lui accorda toutefois pas créance, et il continua à montrer une grande curiosité au sujet de l'anneau. Par la suite, il tira de Bilbon l'histoire véritable, après beaucoup de questions qui gâtèrent un temps leur amitié; mais le Magicien semblait attacher de l'importance à la vérité. Et, bien qu'il ne le dît pas à Bilbon, il jugea aussi importante et fâcheuse la découverte que le bon Hobbit n'avait pas d'emblée dit la vérité: c'était tout à fait contraire à son habitude. L'idée d'un " cadeau " n'était pas toutefois une simple invention de Hobbit. Elle lui avait été suggérée selon son aveu, par les paroles de Gollum qu'il avait surprises; car celui-ci avait en fait appelé plusieurs fois l'anneau " son cadeau d'anniversaire ". Cela aussi, Gandalf le trouva étrange et suspect; mais il ne découvrit la vérité sur ce point que bien plus tard, comme on le verra dans ce livre. 
 
Il n'y a pas lieu de s'étendre ici sur la suite des aventures de Bilbon. Ayant échappé grâce à l'anneau aux gardes orques de la porte, il rejoignit ses compagnons. Il eut souvent recours à l'anneau durant sa quête, surtout pour aider ses amis; mais il garda le secret à ce sujet aussi longtemps qu'il le put. Après son retour chez lui, il n'en reparla plus jamais à personne, hormis à Gandalf et à Frodon, et nul dans la Comté ne connaissait l'existence de l'anneau, ou tout au moins le croyait-il. Il ne montra qu'à Frodon le récit de son voyage, qu'il était en train d'écrire. 
Il suspendit son épée, Dard, au-dessus de sa cheminée et il prêta à un musée (la Maison des Mathoms de Grand'Cave) sa cotte de merveilleuses mailles, cadeau des Nains prélevé sur le trésor du Dragon. Mais il garda dans un tiroir à Cul-de-Sac le vieux manteau et le capuchon qu'il avait portés dans ses voyages. Quant à l'anneau, il demeura dans sa poche, attaché à une belle chaînette. 
Il rentra chez lui à Cul-de-Sac le 22 juin, dans sa cinquante-deuxième année (DC 1342), et rien de bien notable ne se produisit dans la Comté jusqu'au moment où M. Sacquet commença les préparatifs en vue de son cent onzième anniversaire (DC 1401). C'est à ce point que commence l'histoire. 
 
 
Note sur les Archives de la Comté
 
 
A la fin du Tiers Age, le rôle joué par les Hobbits dans les grands événements qui conduisirent à l'inclusion de la Comté dans le Royaume Réuni éveilla chez eux une curiosité plus étendue pour leur propre histoire, et bon nombre de leurs traditions, jusqu'alors surtout orales, furent rassemblées et consignées par écrit. Les plus grandes familles s'intéressèrent aussi aux événements du Royaume en général, et nombre de leurs membres étudièrent ses histoires et légendes anciennes. Vers la fin du Quatrième Age, on trouvait déjà dans la Comté plusieurs bibliothèques contenant de nombreux livres d'histoire et archives. 
Les plus importantes de ces collections étaient sans doute celles des Tours d'Endessous aux Grands Smials, et à Château-Brande. Le présent récit de la fin du Tiers Age est tiré en majeure partie du Livre Rouge de la Marche de l'Ouest. Cette principale source pour l'histoire de la Guerre de l'Anneau tire son nom du fait qu'elle fut longtemps conservée aux-Tours d'Endessous, résidence des Belenfant, gardiens de la Marche de l'Ouest. C'était à l'origine le journal personnel de Bilbon, qu'il emporta avec lui à Fondcombe. Frodon le rapporta dans la Comté en même temps que de nombreuses feuilles de notes volantes, et au cours de DC 1420-21, il en remplit presque entièrement les pages de son récit de la guerre. Mais, annexés à ce fond et conservés avec lui, probablement dans un seul étui rouge, se trouvaient trois gros volumes, reliés de cuir rouge, que Bilbon lui donna en cadeau d'adieu. A ces quatre volumes en fut ajouté, dans la Marche de l'Ouest, un cinquième contenant des commen taires, des généalogies et divers autres éléments au sujet des membres hobbits de la Communauté. 
Le Livre Rouge original n'a pas été conservé, mais de nombreuses copies en furent faites, particulièrement en ce qui concerne le premier volume, à l'usage des descendants des enfants de Maître Samsagace. La plus importante a toutefois une histoire différente. Elle fut conservée aux Grands Smials, mais elle avait été écrite en Gondor, sans doute à la demande de l'arrière-petit-fils de Peregrin, et complétée en DC 1592 (FA 172). Son scribe du sud y ajouta la note suivante: a Findigal, écrivain du roi, termina cet ouvrage en IV 172. C'est une copie exacte dans tous les détails du Livre de Thain de Minas Tirith. Celui-ci était une copie, faite sur l'ordre du roi Elasser, du Livre Rouge de Periannath, et elle lui fut apportée par le Thain Peregrin quand il se retira en Gondor en IV 64. " 
Le Livre de Thain fut ainsi la première copie faite du Livre Rouge, et il contenait un grand nombre de choses qui furent par la suite omises ou perdues. A Minas Tirith, il reçut de nombreuses annotations et citations en langues elfiques, et il y fut ajouté une version abrégée des parties de l'Histoire d'Aragorn et d'Ancien qui restent en dehors du récit de la guerre. L'histoire entière est réputée avoir été écrite par Barehir, petit-fils de l'intendant Faramir, quelque temps après la mort du roi. Mais l'importance principale de la copie de Findagil est que seule elle contient la totalité des traductions de l'elfique faites par Bilbon. On a constaté que ces trois volumes formaient une oeuvre de grand talent et de grande érudition pour laquelle, de 1403 à 1418, il s'était servi de toutes les sources, tant orales qu'écrites, dont il pouvait disposer à Fondcombe. Mais comme Frodon y eut peu recours étant donné qu'elles concernent presque exclusivement les jours des Anciens, on n'en dira pas davantage ici. 
Meriadoc et Peregrin étant devenus les chefs de leurs grandes familles et ayant en même temps conservé leurs relations avec le Rohan et le Gondor, les bibliothèques de Châteaubouc et de Bourg-de-Touque contenaient beaucoup de choses qui ne paraissent pas dans le Livre Rouge. A Château-Brande, il y avait de nombreux ouvrages traitant de l'Eriador et de l'histoire de Rohan. Certains furent composés ou commencés par Meriadoc en personne, bien que dans la Comté on se souvînt surtout de lui pour son Herbier de la Comté et pour son Compte des Années, dans lequel il étudiait les rapports entre les calendriers de la Comté et de Bree et ceux de Fondcombe, de Gondor et de Rohan. Il écrivit aussi un court traité des Anciens Mots et Noms dans la Comté, où il montrait un intérêt particulier à découvrir la parenté avec le langage des Robirrim de " mots de la Comté ", tels que mathom et d'anciens éléments dans les noms de lieux. 
Aux Grands Smials, les livres présentaient moins d'intérêt pour les gens de la Comté, bien qu'ils eussent davantage d'importance pour l'histoire plus générale. Aucun d'eux n'était de la main de Peregrin, mais lui et ses successeurs réunirent de nombreux manuscrits écrits par les scribes de Gondor: principalement des copies ou des résumés des histoires et légendes relatives à Elendil et à ses héritiers. Ce n'est qu'ici dans la Comté que l'on pouvait trouver d'amples matériaux pour l'histoire de Numenor et de l'élévation de Sauron. Ce fut sans doute à Grands Smials que l'Histoire des Années fut composée, à partir de matériaux rassemblés par Meriadoc. Bien que les dates données soient souvent conjecturales, surtout pour le Deuxième Age, elles méritent attention. Il est probable que Meriadoc obtint de l'aide et des informations de Fondcombe, où il se rendit à plusieurs reprises. Là, bien qu'Elrond fût mort, ses fils demeurèrent longtemps, ainsi que certains des Hauts Elfes. On dit que Celeborn alla y résider après la mort de Galadriel mais il n'y a aucun document sur le jour où il chercha les Havres Gris et où, avec lui, s'en fut le dernier témoin des Jours des Anciens en Terre du Milieu. 
 
 
Livre I
 
 
Chapitre Premier
 
Une Réception Depuis Longtemps Attendue
 
 
Quand M. Bilbon Sacquet, de Cul-de-Sac, annonça qu'il donnerait à l'occasion de son undécante-unieme anniversaire une réception d'une magnificence particulière, une grande excitation régna dans Hobbitebourg, et toute la ville en parla. 
Bilbon était en même temps très riche et très particulier, et il avait fait l'étonnement de la Comté pendant soixante ans, c'est-à-dire depuis sa remarquable disparition et son retour inattendu. Les richesses qu'il avait rapportées de ses voyages étaient devenues une légende locale, et l'on croyait communément, en dépit des assurances des anciens, que la Colline de Cul-de-Sac était creusée de galeries bourrées de trésors. Et si cela n'eût pas suffi à rassurer sa renommée, sa vigueur prolongée aurait encore fait l'admiration de tous. Le temps s'écoulait, mais il semblait n'avoir aucune prise sur M. Sacquet. A quatre-vingt-dix ans, il était tout semblable à ce qu'il était à cinquante. A quatre-vingt-dix-neuf ans, on commença à le qualifier de bien conservé; mais inchangé aurait été plus prés de la vérité. D'aucuns hochaient la tête, pensant que c'était trop d'une bonne chose, il paraissait injuste que quelqu'un pût jouir (visiblement) d'une jeunesse perpétuelle en même temps que (suivant l'opinion commune) d'une opulence inépuisable. 
- Cela aura sa contrepartie, disait-on. Ce n'est pas naturel, et il en viendra certainement des ennuis! 
Mais jusque-là aucun ennui n'était venu; et comme M. Sacquet était généreux de son argent, la plupart des gens lui pardonnaient volontiers ses singularités et sa bonne fortune. Il était en relations de visite avec ses parents (hormis, naturellement, les Sacquet de Besace) et il avait de nombreux admirateurs fervents parmi les Hobbits des familles pauvres et peu importantes. Mais il n'eut pas d'amis intimes jusqu'au moment où certains de ses jeunes cousins commencèrent à prendre de l'âge. 
L'ainé de ceux-ci et le favori de Bilbon était le jeune Frodon Sacquet. A quatre-vingt-dix-neuf ans, Bilbon l'adopta comme héritier; il l'amena vivre à Cul-de-Sac, et les espérances des Sacquet de Besace furent définitivement anéanties. Bilbon et Frodon se trouvaient avoir le même anniversaire: le 22 septembre. " Tu ferais mieux de venir habiter ici, Frodon, mon gars, dit un jour Bilbon; nous pourrons ainsi célébrer confortablement notre anniversaire ensemble. " A cette époque, Frodon était encore dans ses années intermédiaires, comme les Hobbits appelaient les années d'irresponsabilité qui s'étendaient entre l'enfance et la majorité à trente-trois ans. 
 
Douze autres années s'écoulèrent. Tous les ans, les Sacquet avaient donné des réceptions d'anniversaire pleines d'entrain à Cul-de-Sac; mais à présent il était entendu que quelque chose de tout à fait exceptionnel se préparait pour cet automne. Bilbon allait avoir undécante-un ans, 111, chiffre plutôt curieux et âge très respectable pour un Hobbit (le Vieux Touque lui-même n'avait atteint que 130 ans) et Frodon allait en avoir trente-trois, 33, chiffre important: la date de sa " majorité ". 
On commença à jaser à Hobbitebourg et à Lèzeau; et la rumeur-de l'événement attendu courut partout dans la Comté. L'histoire et le personnage de M. Bilbon Sacquet firent une fois de plus le principal sujet de conversation; et les gens âgés virent soudain leurs souvenirs très bienvenus. 
Personne n'eut d'auditoire plus attentif que le vieux Ham Gamegie, communément appelé l'Ancien. Il pérorait au Buisson de Lierre, une petite auberge de la route de Lèzeau, et il parlait avec quelque autorité, car il avait entretenu le jardin de Cul-de-Sac durant quarante ans, et avant cela il avait déjà aidé le vieux Trogon dans le même office. Maintenant que lui-même, devenu vieux, avait les articulations ankylosées, le travail était principalement effectué par son plus jeune fils, Sam Gamegie. Tant le père que le fils étaient en relations très amicales avec Bilbon et Frodon. Ils habitaient sur la Colline même, au N° 3 du Chemin des Trous-du-Talus, juste sous Cul-de-Sac. 
" C'est un aimable gentilhobbit à la parole affable que M. Bilbon, comme je l'ai toujours dit ", déclarait l'Ancien. Ce qui était l'exacte vérité: car Bilbon se montrait très poli à son égard, l'appelant " Maître Hamfast " et le consultant constamment sur la pousse des légumes - en matière de " racines ", et en particulier de pommes de terre, tout le voisinage (lui-même compris) le considérait comme l'autorité maitresse. 
- Mais qu'en est-il de ce Frodon qui vit avec lui? demanda le Vieux Chénier de Lèzeau. Il s'appelle Sacquet, mais il est plus qu'à moitié un Brandebouc, à ce qu'on dit. Je ne comprends pas pourquoi un Sacquet de Hobbitebourg irait chercher femme là-bas dans le Pays de Bouc, où les gens sont si bizarres. 
- Et il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils le soient intervint Papa Bipied (voisin immédiat de l'Ancien), vu qu'ils habitent du mauvais côté du Brandevin et tout contre la Vieille Forêt. C'est un sombre et mauvais endroit, si la moitié de ce qu'on rapporte est vrai. 
- Tu as raison, Papa! dit l'Ancien. Non que les Brandebouc du Pays de Bouc vivent dans la Vieille Forêt; mais c'est une drôle de lignée, apparemment. Ils batifolent toujours en bateau sur cette grande rivière - et ce n'est pas naturel, ça. Ce n'est pas étonnant qu'il en soit sorti des ennuis, que je dis. Mais quoi qu'il en soit, M. Frodon est un jeune Hobbit aussi gentil qu'on pourrait le souhaiter. Il ressemble beaucoup à M. Bilbon, et pas seulement de traits. Son père était un Sacquet après tout. Et c'était un respectable Hobbit très comme il faut que M. Drogon Sacquet; il n'y a jamais eu grand-chose à dire de lui jusqu'au jour où il s'est noyé. 
- Noyé ? firent plusieurs voix. 
On avait déjà entendu cela et d'autres rumeurs plus sombres, bien sûr; mais les Hobbits ont une passion pour l'histoire des familles, et on était prêt à l'entendre raconter de nouveau. 
- Eh bien, c'est ce qu'on dit, répondit l'Ancien. Voyez-vous, M. Drogon, il avait épousé la pauvre Mlle Primula Brandebouc! Elle était la cousine germaine de notre M. Bilbon du côté maternel (sa mère étant la plus jeune des filles du Vieux Touque); et M. Drogon était son cousin issu de germain. Ainsi M. Frodon est en même temps son cousin germain et son cousin issu de germain, son oncle à la mode de Bretagne des deux c6tés, comme on dit, si vous me suivez. Et M. Drogon était en séjour à Château-Brande chez son beau-père, le vieux Maître Gorbadoc, comme il le faisait souvent après son mariage (car il était assez porté sur la boustifaille, et le vieux Gorbadoc tenait une bonne et généreuse table); et il était allé canoter sur le Brandevin; et lur et sa femme se sont noyés, alors que M. Frodon était encore un enfant et tout. 
- J’ai entendu dire qu'ils étaient allés sur l'eau après le dîner au clair de lune, dit le Vieux Chénier; et que c’était le poids de Drogon qui avait fait couler la barque. 
- Et moi j'ai entendu dire qu'elle l'avait poussé dedans et qu’il l'avait entraînée avec lui, dit Rouquin, le meunier de Hobbitebourg. 
- Tu ne devrais pas écouter tou't ce que t'entends, Rouquin, dit l'Ancien, qui n'aimait pas beaucoup le meunier. Y a pas besoin de parler de poussée ou de tirage. Les bateaux, c'est déjà assez ficelle pour ceux qui restent assis tranquilles sans aller chercher plus loin la cause des ennuis. En tout cas : y avait ce M. Frodon resté orphelin et échoué, comme qui dirait, parmi ces bizarres gens du Pays de Bouc, élevé en tout cas à Château-Brande. Une vraie lapinière, de tous points de vue. Le vieux Maître Gorbadoc n’avait jamais moins de deux centaines de parerits chez lui. M. Bilbon n’a jamais fait meilleur action qu’en ramenant le gamin vivre parmi des gens normaux.  
- Mais j'ai dans l'idée que ç'a été un coup.dur pour ces Sacquet de Besace. Ils pensaient qu’ils allaient avoir Cul-de-Sac, la fois où il était parti et où on l'avait cru mort. Et le voilà qui revient et les renvoie; et il continue à vivre, à vivre, sans jamais paraître d’un jour plus vieux, Dieu le bénisse! Et tout d'un coup il sort un héritier et il fait proprement établir tous lesipapiers. Les Sacquet de Besace ne verront jamais l’intérieur de Cul-de-Sac, à présent, ou il faut l'espérer. 
- Y a un gentil petit magot serré là-haut, que j'ai entendu raconter, dit un étranger, venu pour affaire de Grand'Cave dans le Quartier Ouest. Tout le haut de votre colline est truffé de galeries remplies de coffres d'or et d'argent, et de joyaux, d’après ce qu'on m'a dit. 
- Eh bien, vous en avez entendu plus que je ne pourrais garantir, répondit l'Ancien; Je ne sais rien de joyaux. M. Bilbon ne regarde pas à l’argent, et il ne paraît pas en manquer; mais je n'ai pas connaissance du creusement de galeries. J'ai vu M. Bilbon quand il est revenu, il y a à peu près soixante ans, alors que j'étais gosse. Il n'y avait pas longtemps que j'étais en apprentissage chez le vieux Troglon (qu'était un cousin de papa), mais il m'a fait monter à Cul-de-sac pour l'aider à empêcher les gens de se balader partout et de tout piétiner dans le jardin pendant la vente. Et au milieu de tout ca, voilà M. Bilbon qui monte la colline avec un poney et des énormes sacs et deux coffres. Je ne doute pas qu'ils étaient remplis pour la plus grande part de trésors qu'il avait ramassés à l'étranger, où il y a des montagnes d'or, qu'on dit; mais il n'y avait pas de quoi remplir des galeries. En tout cas, mon gars Sam doit en savoir plus long là-dessus. Il est tout le temps fourré à Cul-de-Sac. Il est fou des histoires de l'ancien temps, et il écoute tous les récits de M. Bilbon. M. Bilbon lui a appris ses lettres - sans malice remarquez bien, et j'espère qu'il n'en sortira aucun mal. 
" Des Elfes et des Dragons! que je lui dis. Mieux vaut pour toi et moi des choux et des pommes de terre. Ne va pas te mêler des affaires de ceux qui sont au-dessus de toi ou tu vas aboutir à des ennuis trop gros pour toi, que je lui dis. Et je pourrais en dire autant à d'autres ", ajouta-t-il, jetant un regard à l'étranger et au meunier. 
Mais l'Ancien ne convainquit pas son auditoire. La légende des richesses de Bilbon était à présent trop fermement établie dans l'idée de la jeune génération de Hobbits. 
- Ah, mais il est bien probable qu'il a ajouté à ce qu'il avait d'abord rapporté, argua le meunier, exprimant l'opinion commune. Il est souvent parti de chez lui. Et pensez à ces étrangers qui viennent le voir: des Nains qui viennent la nuit et ce vieux magicien errant, Gandalf, et tout coi. Vous me direz ce que vous voudrez, l'Ancien mais Cul-de-Sac est un endroit bizarre et ses habitants sont bizarres. 
- Et vous pourrez me dire ce que vous voudrez sur ce à quoi vous ne connaissez pas davantage qu'à la navigation monsieur Rouquin, répliqua l'Ancien, détestant le meunier plus encore qu'à l'ordinaire. Si cela est être bizarre eh bien on pourrait s'accommoder d'un peu plus de bizarrerie par ici. Il y en a pas loin qui n'offriraient pas une pinte de bière à un ami, s'ils vivaient dans un trou aux murs d'or. Mais à Cul-de-Sac on fait les choses convenablement. Notre Sam dit que tout le monde sera invité à la réception, et il y aura des cadeaux, notez, des cadeaux pour tous - ce mois même où nous sommes. 
 
Ce mois même était celui de septembre et il était aussi beau qu'on pouvait le souhaiter. Un ou deux jours après, une rumeur (sans doute lancée par ce Sam si bien informé) se répandit, comme quoi il y aurait un feu d'artifice - qui plus est, un feu d'artifice tel qu'on n'en avait plus vu dans la Comté depuis près d'un siècle, depuis la mort du Vieux Touque, en fait. 
Des jours passèrent et Le Jour approchait. Un soir, un chariot d'aspect inhabituel transportant des paquets également d'aspect inhabituel traversa Hobbitebourg et gravit la Colline vers Cul-de-Sac. Les Hobbits saisis passèrent la tête par les portes éclairées pour regarder bouche bée. Le chariot était conduit par des étrangers, qui chantaient des chansons étranges : des Nains à longue barbe et à profonds capuchons. Quelques-uns d'entre eux restèrent à Cul-de-Sac. A la fin de la seconde semaine de septembre, une charrette entra en plein jour par Lèzeau, venant de la direction du Pont de Brandevin. Un vieillard la conduisait seul. Il portait un haut chapeau bleu à pointe, un long manteau gris et un cache-col argenté. Il avait une longue barbe blanche et des sourcils broussailleux qui ressortaient sous le bord de son chapeau. Des petits enfants hobbits coururent derrière la charrette à travers tout Hobbitebourg et jusqu'au haut de la colline. La charrette portait un chargement de pièces d'artifice, comme ils le devinaient justement. A la porte de devant de Bilbon, le vieillard commença de la décharger: il y avait de grands paquets de pièces d'artifice de toutes sortes et de toutes formes, dont chacun était marqué d'un grand G_, rouge et de la rune elfique_. 
C'était la marque de Gandalf, naturellement, et le vieillard était Gandalf le Magicien, dont la renommée dans la Comté se fondait en premier lieu sur son habileté au maniement des feux, fumées et lumières. Son affaire principale était bien plus difficile et dangereuse, mais les gens de la Comté n'en connaissaient rien. Pour eux, il n'était qu'une des " attractions " de la Réception. De là l'excitation des petits Hobbits. " G comme Grand ", criaient-ils, et le vieillard sourit. Ils le connaissaient de vue, bien qu'il ne parût qu'occasionnellement à Hobbitebourg et qu'il ne s'y arrêtât jamais longtemps; mais ni eux ni aucun des plus vieux de leurs aînés n'avaient vu un de ses spectacles de feux d'artifice, qui appartenaient maintenant à un passé légendaire. 
Quand le vieillard eut achevé le déchargement, avec l'aide de quelques Nains et de Bilbon, celui-ci distribua quelques sous; mais pas un seul pétard, pas le moindre diablotin ne parut, à la déception des spectateurs. 
- Sauvez-vous, maintenant! dit Gandalf. Vous aurez tout ce qu'il faut le moment venu. 
Puis il disparut à l'intérieur avec Bilbon, et la porte se referma. Les jeunes Hobbits restèrent un moment les yeux écarquillés en vain sur la porte, puis il s'en furent avec l'impression que le jour de la réception n'arriverait jamais. 
A Cul-de-Sac, Bilbon et Gandalf étaient assis à la fenêtre ouverte d'une petite chambre donnant à l'ouest sur le jardin. Cette fin d'après-midi était claire et paisible. Les fleurs rutilaient, rouge et or, gueules-de-loup et soleils, et des capucines qui grimpaient sur toutes les parois de gazon et débordaient au bord des fenêtres rondes. 
- Que votre jardin est éclatant! dit Gandalf. 
- Oui, répondit Bilbon, je l'aime beaucoup, comme toute cette vieille Comté; mais je crois que j'ai besoin de vacances. 
- Vous voulez donc poursuivre votre projet ? 
- Oui. J'ai pris ma décision il y a plusieurs mois, et je ne l'ai pas changée. 
- Très bien. Il est inutile de rien ajouter. Tenez-vous-en à votre plan - à votre plan dans son entier, notez-le bien - et j'espère que cela réussira au mieux, pour vous et pour nous tous. 
- Je l'espère. En tout cas, je me propose de bien m'amuser jeudi et de faire ma petite farce. 
- Qui rira, je me le demande, dit Gandalf avec un hochement de tête. 
- On verra, dit Bilbon. 
 
Le lendemain, d'autres charrettes et d'autres encore gravirent la Colline. Il aurait pu y avoir quelques murmures sur " le commerce local ", mais la même semaine commencèrent à se déverser de Cul-de-Sac des commandes de toutes les sortes de fournitures, de denrées, de friandises que l'on pouvait se procurer à Hobbitebourg, à Lèzeau ou en tout autre endroit du voisinage. Les gens s'enthousiasmèrent; ils se mirent à cacher les jours sur le calendrier, et ils guettèrent avec avidité le facteur, dans l'espoir d'invitations. 
Elles ne tardèrent pas à pleuvoir; la poste de Hobbitebourg fut embouteillée, celle de Lèzeau débordée, et il fallut faire appel à des facteurs auxiliaires. Ils montaient la colline en un courant continu pour porter des centaines de variations polies sur le thème Merci, je viendrai certainement. 
Une pancarte apparut à la grille de Cul-de-Sac: ENTREE INTERDITE SAUF POUR AFFAIRE CONCERNANT LA RECEPTION. Même ceux qui prétendaient avoir à faire avec la réception étaient rarement admis à l'intérieur. Bilbon était très occupé à écrire des invitations, à pointer les réponses, à empaqueter des cadeaux et à faire certains préparatifs personnels et secrets. Depuis l'arrivée de Gandalf, il était devenu invisible. 
En se réveillant un beau matin, les Hobbits trouvèrent le grand champ au sud de la porte de devant de Bilbon couvert de cordes et de montants destinés à dresser des tentes et des pavillons. Une entrée spéciale fut ouverte dans le talus menant à la route, et de larges marches et une grande porte blanche y furent construites. Les trois familles hobbites du Chemin des Trous-du-Talus, qui longeait le champ, y prirent un intense intérêt, et tout le monde les envia. Le Vieux Gamegie l'Ancien cessa même de prétendre travailler dans son jardin. 
Les tentes commencèrent à s'élever. Il y avait un pavillon particulièrement grand, si vaste que l'arbre qui poussait dans le champ y était englobé et se dressait fièrement près d'une des extrémités, à la tête de la table principale. Des lanternes furent suspendues à toutes ses branches. Qui était plus prometteur encore (dans l'esprit d'un Hobbit): une énorme cuisine en plein air fut érigée au coin nord du champ. Un continent de cuisiniers vint de toutes les auberges et de tous les restaurants à des milles à la ronde compléter l'équipe des Nains et autres curieuses gens cantonnés à Cul-de-Sac. L'excitation fut à son comble. 
Puis le temps se couvrit. C'était le mercredi, veille de la Réception. L'inquiétude était intense. Puis l'aube du jeudi 22 septembre apparut pour de bon. Le soleil se leva, les nuages s'évanouirent, les drapeaux furent déployés, et la fête commença. 
Bilbon Sacquet l'appelait réception, mais c'était en réalité toute une variété de distractions condensées en une. Pratiquement tout le voisinage était invité. Très peu de gens furent oubliés par accident, mais comme ils vinrent tout de même, l'oubli fut sans importance. De nombreuses personnes d'autres régions de la Comté avaient été aussi conviées; et il y en eut même d'au-delà des frontières. Bilbon reçut en personne les invités (et les ajouts) à la nouvelle porte blanche. Il distribua des cadeaux à tous et au-delà - cet au-delà représentant ceux qui ressortaient par-derrière et revenaient par la porte. Les Hobbits font des cadeaux à autrui à l'occasion de leur propre anniversaire. Pas des cadeaux coûteux en général, et pas avec la même prodigalité qu'en ce jour; mais ce n'était pas un mauvais système. En fait, à Hobbitebourg et à Lèzeau, chaque jour de l'année était l'anniversaire de quelqu'un, de sorte que tout Hobbit de cette région avait une bonne chance de recevoir au moins un cadeau une fois par semaine, au moins. Mais ils ne s'en lassaient jamais. 
En cette occasion, les cadeaux étaient inhabituellement beaux. Les jeunes Hobbits étaient tellement excités qu'ils oublièrent presque, un moment, la question du manger. Il y avait des jouets dont ils n'avaient jamais vu d'exemple, tous magnifiques et certains manifestement magiques. Un grand nombre de ces jouets avaient été commandés un an auparavant, ils venaient d'aussi loin que la Montagne et le Val, et ils étaient d'authentique fabrication naine. 
Quand tous les invités eurent été individuellement accueillis et eurent finalement passé la porte, il y eut des chants, des danses, de la musique, des jeux et, naturellement, à manger et à boire. Il y avait trois repas formels : le déjeuner, le thé et le diner (ou souper). Mais le déjeuner et le thé furent surtout marqués par le fait qu'à ce moment tous les invités étaient assis et mangeaient ensemble. Entre-temps, il y avait simplement des quantités de gens qui mangeaient et buvaient - de façon continue de onze heures à six heures et demie, moment où commença le feu d'artifice. 
Ce feu d'artifice était de Gandalf: il ne l'avait pas seulement apporté, mais combiné et fabriqué; et ce fut lui qui tira les effets spéciaux, les pièces montées, les vols de fusées. Mais il y eut aussi une généreuse distribution de pétards, de serpenteaux, de soleils, de torches, de chandelles de Nains, de fontaines d'Elfes, d'aboyeurs, de gobelins et de coups de tonnerre. Tout cela était superbe. L'art de Gandalf se perfectionnait avec l'âge. 
Des fusées ressemblaient à un vol d'oiseaux scintillants chantant avec de doux accents. Il y eut des arbres verts aux troncs de fumée sombre: leurs feuilles s'ouvrirent comme si tout un printemps se déployait en un instant, et leurs branches répandirent sur les Hobbits étonnés des fleurs rayonnantes qui disparurent avec un doux parfum juste avant d'atteindre les visages levés. Des fontaines de papillons s'envolèrent en étincelant dans les arbres, des colonnes de feux colorés s'élevèrent pour se muer en aigles, en navires sous les voiles, en une phalange de cygnes volants il y eut un orage rutilant et une averse de pluie jaune; une forêt de javelots d'argent jaillit soudain dans l'air avec un hurlement comme d'une armée en bataille et retomba dans l'eau avec le sifflement de cent serpents ardents. Et il y eut aussi une dernière surprise en l'honneur de Bilbon, et elle saisit à l'extrême tous les Hobbits, comme le voulait Gandalf. Les lumières s'éteignirent. Une grande fumée s'éleva. Elle prit la forme d'une montagne vue dans le lointain, et elle commença de rougeoyer en son sommet. Puis elle cracha des flammes vertes et écarlates. S'envola un dragon d'or rouge - non pas grandeur nature, mais terriblement naturel d'aspect -; il y eut un rugissement, et il survola par trois fois les têtes de la foule, en sifflant. Tous se jetèrent face contre terre. Le dragon passa comme un express, se retourna en un soubresaut et éclata au-dessus de Lèzeau en une explosion assourdissante. 
- C'est le signal du souper! dit Bilbon. La douleur et l'alarme s'évanouirent d'un coup, et les Hobbits prostrés se relevèrent d'un bond. Il y eut un souper splendide pour tout le monde, hormis ceux qui étaient conviés au dîner de famille spécial. Celui-ci se tint dans le grand pavillon à l'arbre. Les invitations étaient limitées à douze douzaines (chiffre que les Hobbits nomment aussi une grosse, encore que ce mot ce fût pas jugé convenir à des personnes); et les invités étaient choisis parmi toutes les familles auxquelles Bilbon et Frodon étaient apparentés, avec l'addition de quelques amis personnels non parents (tels que Gandalf). Maints jeunes Hobbits étaient compris et étaient présents par autorisation paternelle; car les Hobbits étaient coulants à l'égard de leurs enfants pour ce qui était de veillée tardive surtout quand il y avait une chance de repas gratuit. Elever de jeunes Hobbits nécessitait une ample provende. 
Il y avait de nombreux Sacquet et Bophin, et aussi de nombreux Touque de Brandebouc; il y avait divers Fouille (parents de la grand-mère de Bilbon Sacquet) et divers Boulot (alliés de son grand-père Touque), et une sélection de Fouine, Bolger, Sanglebuc, Trougrisard, Bravet, Sonnecor et Fierpied. Certains n'étaient que de très lointains parents de Bilbon, et d'aucuns qui vivaient dans des coins retirés de la Comté n'étaient à peu près jamais venus à Hobbitebourg. Les Sacquet de Besace n'avaient pas été oubliés. Ohton et sa femme Lobelia étaient présents. Ils n'aimaient pas Bilbon et détestaient Frodon; mais si magnifique était la carte d'invitation, écrite à l'encre d'or, qu'ils avaient trouvé impossible de refuser. Du reste, leur cousin Bilbon s'était spécialisé depuis bien des années dans la bonne chère, et sa table était hautement réputée. 
Tous les cent quarante-quatre invités espéraient un agréable festin; encore qu'ils craignissent assez le discours d'après-dîner de leur hôte (élément inévitable). Il avait tendance à introduire des morceaux de ce qu'il appelait poésie; et parfois, après quelques verres, à faire des allusions aux aventures absurdes de son mystérieux voyage. Les invités ne furent pas déçus: ils eurent un très agréable festin, en fait un banquet qui avait toutes les qualités: riche, abondant, varié et prolongé. Les achats de nourriture tombèrent presque à zéro dans la région durant toute la semaine suivante; mais comme l'approvisionnement de Bilbon avait épuisé les stocks de la plupart des magasins, des caves et des entrepôts dans un rayon de plusieurs milles, cela n'eut pas grande importance. 
Après le banquet (plus ou moins) vint le discours. Mais la plupart de la compagnie était à présent d'humeur tolérante, à ce stade délicieux où l'on " remplit les derniers coins ", comme ils disaient. Les invités sirotaient leur boisson favorite en grignotant leurs friandises préférées, et leurs craintes étaient oubliées. Ils étaient prêts à écouter n'importe quoi et à applaudir à toute pause. 
Mes Chers Amis, dit Bilbon, se levant à sa place. a silence! Silence! Silence! " crièrent-ils, ne cessant de répéter ces mots en choeur sans paraître vouloir suivre leur propre injonction. Bilbon quitta sa place et alla grimper sur une chaise sous l'arbre illuminé. La lumière des lanternes tombait sur son visage radieux; les boutons d'or brillaient sur son gilet de soie brodée. Tous pouvaient le voir là debout, agitant une main en l'air, tandis que l'autre était enfouie dans la poche de son pantalon. 
Mes chers Sacquet et Bophin, reprît-il, et mes chers Touque et Brandebouc, Fouille, Boulot, Fouine, Sonnecor, Bolger, Sanglebac, Bravet, Trougrisard et Fierpied a ProudFEET! (1) ô, cria un vieux Hobbit du fond du pavillon. Il s'appelait Fierpied, bien entendu, et il méritait bien son nom: ses pieds étaient grands, exceptionnellement velus, et ils reposaient tous deux sur la table. 
Fierpied, répéta Bilbon. Et aussi mes bons Sacquet de Besace, dont le retour enfin à Cul-de-Sac est le bienvenu. Ce jour est celui de mon cent onzième anniversaire: j'ai undécante-un ans aujourd'hui! " Hourra! Hourra! Bon anniversaire! " cria-t-on, et de marteler joyeusement les tables. Bilbon s'en tirait magnifiquement. C'était le genre de discours qu'on appréciait : clair et bref. 
J'espère que vous vous amusez tous autant que moi. Acclamations assourdissantes. Cris de Oui (et de Non). Retentissement de trompettes et de cors, de pipeaux et de flûtes, et autres instruments de musique. Il y avait là, comme il a été dit, de nombreux jeunes Hobbits. On avait tiré des centaines de diablotins musicaux. La plupart portaient la marque VAL; ce qui ne signifiait pas grandchose pour les Hobbits, mais tous s'accordèrent à déclarer que c'étaient de merveilleux diablotins. Ils contenaient des instruments, petits, mais d'une facture parfaite et d'une sonorité enchanteresse. De fait, dans un coin, certains des jeunes Touque et Brandebouc, supposant que l'oncle Bilbon en avait fini (puisqu'il avait clairement dit tout le nécessaire), formèrent alors un orchestre impromptu et entamèrent un joyeux air de danse. Le jeune M. Everard Touque et Mlle Melilot Brandebouc grimpèrent sur une table et, clochettes à la main, se mirent à danser la saltarelle: une jolie danse, mais assez vigoureuse. 
Bilbon n'avait toutefois pas terminé. Saisissant le cor d'un garçon qui se trouvait près de lui, il donna trois puissants cornements. Le brouhaha s'apaisa. Je ne serai pas long, cria-t-il. (Acclamations de toute l'assemblée.) Je vous ai tous rassemblés pour une certaine raison. (Quelque chose dans son ton fit impression. Il y eut presque le silence et un ou deux Touque dressèrent l'oreille.) 
Pour trois raisons, en vérité ! Tout d'abord, pour vous dire que je vous aime tous immensément et qu'undécante-un ans sont un temps trop court à vivre parmi de si excellents et si admirables Hobbits. (Formidable explosion d'approbation.) 
Je ne connais pas la moitié d'entre vous à moitié autant que je le voudrais; et j'aime moins que la moitié d'entre vous à moitié aussi bien que vous le méritez. (Il y eut çà et là quelques applaudissements, mais la plupart de l'assistance s'efforçait de démêler s'il s'agissait d'un compliment.) 
En second lieu, pour célébrer mon anniversaire. (Nouvelles acclamations.) Je devrais dire: NOTRE anniversaire. Car c'est aussi, bien sûr, celui de mon héritier et neveu, Frodon. Il entre aujourd'hui dans sa majorité et dans son héritage. (Quelques applaudissements pour la forme de la part des aînés; et de bruyants cris de a Frodon! Frodon! Chic au vieux Frodon! - de la part des plus jeunes. Les Sacquet de Besace se renfrognèrent, se demandant ce que signifiait " entrer dans son héritage ".) 
Ensemble, nous comptons cent quarante-quatre ans. Votre nombre a été choisi pour concorder avec ce total remarquable: une Grosse, si vous me permettez cette expression. (Aucune acclamation. Cela était ridicule. Maints invités, et particulièrement les Sacquet de Besace se sentirent insultés, dans leur certitude de n'être là que pour compléter le nombre requis, comme des marchandises dans un emballage. " Une Grosse, en vérité ! Quelle expression vulgaire. ") 
C'est aussi, s'il m'est permis de me rapporter à l'histoire ancienne, l'anniversaire de mon arrivée par tonneau à Esgaroth sur le Long Lac; bien que le fait que ce fût mon anniversaire me fût sorti de la mémoire en cette occasion. Je n'avais alors que cinquante et un ans, et les jours de naissance ne paraissaient pas aussi importants. Le banquet fut splendide, toutefois, encore que je fusse affligé d'un fort rhume à ce moment, je m'en souviens, et je pouvais seulement dire " Berci beaucoup ". Je le répète à présent plus correctement: Merci beaucoup d'être venus à ma petite réception. (Silence obstiné. Tous craignaient l'imminence d'une chanson ou de quelque poésie; et ils commençaient à en avoir assez. Pourquoi ne pouvait-il s'arrêter de parler et les laisser boire à sa santé? Mais Bilbon ne chanta ni ne déclama. Il observa une courte pause.) 
Troisièmement et pour finir, dit-il, je voudrais vous faire une ANNONCE. (Il prononça ce dernier mot avec tant de force et de soudaineté que tous ceux qui le pouvaient encore se redressèrent.) J'ai le regret de vous annoncer quoique, je vous l'ai dit, undécante-un ans soit un temps bien insuffisant à passer parmi vous - que ceci est la FIN. Je m'en vais. Je pars MAINTENANT. ADIEU ! 
 
Il descendit de sa chaise et disparut. Il y eut un éclair aveuglant, et les invités cillèrent tous. Quand ils ouvrirent les yeux, Bilbon ne se voyait plus nulle part. Cent quarante-quatre Hobbits abasourdis se renversèrent sans voix dans leur chaise. Le vieil Odon Fierpied retira les pieds de la table et en frappa le sol. Puis il y eut un silence absolu jusqu'à ce que soudain, après plusieurs profondes inspirations, tous les Sacquet, Bophin, Touque, Brandebouc, Fouille, Boulot, Fouine, Bolger, Sanglebuc, Trougrisard, Bravet, Sonnecor et Fierpied se missent à parler en même temps. 
Il fut généralement convenu que la plaisanterie était de très mauvais goût, et il fallut encore de la nourriture et de la boisson pour remettre les invités du choc et du désagrément. " Il Est fou, je l'ai toujours dit ", fut sans doute le commentaire le plus commun. Même les Touque (à quelques exceptions près) trouvèrent la conduite de Biibon absurde. Pour le moment, la plupart considérèrent que sa disparition n'était rien d'autre qu'une farce ridicule. 
Mais le vieux Rory Brandebouc n'en étal pas aussi sûr. Ni l'âge ni un diner énorme n'avaient obnubilé sa finesse d'esprit, et il dit à sa belle-fille Esmeralda: " Il y a un micmac là-dedans, ma chère! Je pense que ce fou de Sacquet est de nouveau parti. Quel vieux nigaud! Mais pourquoi s'en faire? Il n'a pas emporté la boustife. " Il cria d'une voix forte à Frodon de faire de nouveau passer le vin. 
Frodon était la seule personne présente à n'avoir rien dit. Durant un moment il était resté silencieux près de la chaise vide de Bilbon négligeant toutes remarques et toutes questions. Il s'était amusé de la farce, bien sur quoiqu'il fût au courant. Il avait eu peine à se retenir de rire de la surprise indignée des invités. Mais il se sentait en même temps profondément troublé il se rendait soudain compte qu'il aimait tendrement le vieux Hobbit. La plupart des invités continuèrent à manger et à boire, tout en discutant des bizarreries passées et présentes de Bilbon Sacquet; mais les Sacquet de Besace étaient déjà partis, furieux. Frodon ne voulait plus rien avoir à faire avec la réception. Il ordonna de servir encore du vin; puis il se leva, vida en silence son propre verre à la santé de Bilbon et se glissa hors du pavillon. 
 
Quant à Bilbon Sacquet, tandis même qu'il faisait son discours, il n'avait cessé de tripoter l'anneau d'or dans sa poche : cet anneau magique sur lequel il avait gardé le secret durant tant d'années. En descendant de sa chaise, il le glissa à son doigt, et jamais plus aucun Hobbit de Hobbitobourg ne devait le revoir. 
Il regagna son trou d'un pas alerte, et là, il se tint un moment à écouter, le sourire aux lèvres, le brouhaha en provenance du pavillon et les sons joyeux qui montaient des autres parties du champ. Puis il rentra chez lui. Il retira ses vêtements de fête, plia et enveloppa dans du papier mousseline son gilet de soie brodée, et il le rangea. Il revêtit ensuite rapidement de vieux habits négligés et se ceignit la taille d'une vieille ceinture de cuir. Il y accrocha une courte épée dans un fourreau de cuir bossué. D'un tiroir fermé à clef, qui répandait une odeur de naphtaline, il sortit un vieux manteau et un vieux capuchon. Ils y avaient été enfermés comme s'ils avaient une grande valeur, mais ils étaient tellement rapiécés et tachés par les intempéries que la couleur originale en était difficilement discernable: c'eût pu être un vert foncé. Ils étaient plutôt trop grands pour lui. Il passa ensuite dans son bureau, où il tira d'un gros coffre-fort un paquet enveloppé dans une vieille toile et un manuscrit relié en cuir; et aussi une grande et volumineuse enveloppe. Le livre et le paquet, il les fourra sur le dessus d'un lourd sac qui se trouvait là, déjà presque plein. Il glissa dans l'enveloppe son anneau d'or et sa belle chainette; puis il la cacheta et l'adressa à Frodon. Il commença par la poser sur la cheminée, mais il se ravisa soudain et la mit dans sa poche. A ce moment, la porte s'ouvrit, et Gandalf entra vivement. 
- Salut! dit Bilbon. Ie me demandais si vous viendriez. 
- Je suis heureux de vous trouver visible, répondit le magicien, s'asseyant. Je voulais vous attraper et avoir avec vous un dernier petit entretien. Vous trouvez sans doute que tout a splendidement marché, et selon votre plan ? 
- Oui, dit Bilbon. Encore que cet éclair fût surprenant: il m'a saisi moi-même, sans parler des autres. Une petite addition de votre cru, je suppose? 
- Oui. Vous avez eu la sagesse de garder le secret sur cet anneau durant toutes ces années, et il m'a paru nécessaire d'offrir quelque chose d'autre aux invités pour expliquer votre disparition soudaine. 
- Et gâter ma farce. Vous êtes un vieux touche-à-tout quelque peu gênant, dit Bilbon, riant; mais vous devez avoir raison, comme toujours, je pense. 
- Oui - quand j'y ai matière. Mais je ne suis pas trop assuré sur toute cette affaire. Elle en est maintenant au point final. Vous avez fait votre farce, vous avez alarmé ou offensé la plupart de vos parents et fourni à toute la Comté de quoi parler pendant neuf jours ou plus probablement quatre-vingt-dix-neuf. Poursuivez-vous ? 
- Oui, sûrement. Je sens qu'il me faut des vacances, de très longues vacances, comme je vous l'ai déjà dit. Des vacances permanentes, sans doute: je ne pense pas que je reviendrai. En fait, ce n'est pas dans mes intentions, et j'ai pris toutes mes dispositions. 
" Je suis vieux, Gandalf. Je ne le parais pas, mais je commence à le sentir au plus profond de mon être. Bien conservé ! grogna-t-il. Mais je me sens tout maigre, déliré en quelque sorte, si vous voyez ce que je veux dire: comme du beurre qu'on a gratté sur une trop grande tartine. Ça ne parait pas normal. J'ai besoin d'un changement, de quelque chose, quoi. 
Gandalf le scruta avec curiosité: 
- Non, ça ne paraît pas normal, dit-il pensivement. Non, je pense après tout que votre plan est probablement le meilleur. 
- Eh bien, je suis décidé, en tout cas. Je veux revoir des montagnes, Gandalf - des montagnes; et puis trouver un endroit où je puisse me reposer. En paix et dans la tranquillité, sans un tas de parents qui fourrent leur nez partout et une procession de maudits visiteurs suspendus à ma sonnette. Peut-être trouverai-je un endroit où je pourrai finir mon livre. J'ai pensé à une bonne conclusion: et il vécut ainsi heureux jusqu'à la fin de ses jours. 
Gandalf rit: 
- J'espère qu'il le fera. Mais personne ne lira ce livre, quelle qu'en soit la fin. 
- Oh, on le pourrait, plus tard. Frodon en a déjà lu un peu, au point où il en est. Vous garderez un oeil sur Frodon, n'est-ce pas? 
- Oui, deux, aussi souvent que je pourrai en disposer. 
- Il m'accompagnerait, bien sûr, si je le lui demandais. En fait, il me l'a proposé une fois, juste avant la réception. Mais il n'en a pas vraiment envie, pour le moment. Je veux revoir les pays sauvages avant de mourir, et les montagnes; mais lui adore toujours la Comté, avec ses bois, ses champs et ses petites rivières. Il devrait être bien ici. Je lui laisse tout, naturellement, sauf quelques broutilles. J'espère qu'il sera heureux, une fois habitué à être à son compte. Il est temps pour lui d'être son propre maître, à présent. 
- Tout ? dit Gandalf. L'anneau aussi ? Vous en étiez convenu, vous vous le rappelez. 
- Oui, euh, oui, je le suppose, balbutia Bilbon. 
- Où est-il? 
- Dans une enveloppe, si vous tenez à le savoir, dit Bilbon avec impatience. Là, sur la cheminée. Enfin, non! La voici, dans ma poche! (Il marqua une hésitation.) N'est-ce pas curieux, voyons? se dit-il doucement à lui-même. Oui, après tout, pourquoi pas ? Pourquoi ne resterait-il pas ici ? 
Gandalf scruta le visage de Bilbon, et il y avait une lueur dans ses yeux. 
- Je crois que je le laisserais derrière, Bilbon, dit-il doucement. Vous ne voulez pas ? 
- Enfin... oui, et non. Maintenant que j'y suis, je n'aime pas du tout m'en séparer, je puis le dire. Et je ne vois vraiment pas pourquoi je le ferais. Pourquoi le voulezvous ? demanda-t-il (un curieux changement se fit dans sa voix. Le soupçon et l'ennui le rendaient acerbe). Vous êtes toujours à me tarabuster avec mon anneau mais vous ne m'avez jamais embêté au sujet des autres choses que j'ai acquises dans mon voyage. 
- Non, mais il me fallait vous tarabuster, dit Gandal£ Je voulais connaître la vérité. C'était important. Les anneaux magiques sont... eh bien, magiques; et ils sont rares et curieux. J'avais un intérêt professionnel pour votre anneau, pourrait-on dire; et je l'ai toujours. J'aimerais savoir où il est, si vous allez de nouveau vagabonder. Je trouve aussi que vous l'avez eu tout à fait assez longtemps. Vous n'en aurez plus besoin, si je ne me trompe du tout au tout. 
La figure de Bilbon s'empourpra, et une lueur de colère passa dans ses yeux. Son bon visage se durcit: 
- Pourquoi pas ? s'écria-t-il. Et en quoi cela vous regarde t-il, de toute façon, de savoir ce que je fais de mes propres affaires? Il est à moi. C'est moi qui l'ai trouvé. C'est à moi qu'il est échu. 
- Oui, oui, dit Gandalf. Mais ce n'est pas la peine de vous mettre en colère pour ça. 
- C'est de votre faute si je le suis, dit Bilbon. L'anneau est à moi, je vous dis. A moi personnellement. Mon trésor, oui, mon trésor. 
Le visage du magicien demeura grave et attentif, et seule une petite lueur vacillante dans ses yeux enfoncés montra qu'il était saisi voire alarmé: 
- Il a déjà été appelé ainsi, dit-il, mais pas par vous. 
- Eh bien je le dis maintenant. Et pourquoi pas ? Même si Golium disait la même chose autrefois. L'anneau n'est plus à lui, mais à moi. Et je le garderai, je le déclare. 
Gandalf se leva. Il parla d'un ton sévère: 
- Ce serait stupide de votre part, Bilbon. Chaque mot que vous prononcez le montre plus clairement. L'anneau a une bien trop grande prise sur vous. Abandonnez-le ! Et alors vous pourrez partir vous-même, libre. 
- Je ferai ce que voudrai et partirai comme il me plaira, dit Bilbon avec obstination. 
- Allons, allons, mon cher Hobbit! dit Gandalf. Durant toute votre longue vie, nous avons été amis, et vous me devez quelque chose. Voyons! Faites ce que vous avez promis abandonnez-le ! 
- Enfin, si vous voulez vous-même mon anneau, dites-le ! s'écria Bilbon. Mais vous ne l'aurez pas. Je ne donnerai pas mon trésor, je vous le déclare. 
Sa main s'égara sur la garde de sa petite épée. Les yeux de Gandalf lancèrent un éclair. 
- Ça va bientôt être à mon tour de me mettre en colère, dit-il. Une seule répétition de cela suffira. Vous verrez alors Gandalf le Gris sans manteau. 
Il fit un pas vers le Hobbit et il parut grandir, menaçant; son ombre emplit la petite pièce. 
Bilbon recula jusqu'au mur, haletant, la main crispée sur sa poche. Ils restèrent un moment face à face, tandis que l'air de la pièce vibrait. Les yeux de Gandalf restaient abaissés sur le Hobbit. Lentement, les mains de celui-ci se relâchèrent, et il se mit à trembler. 
- Je ne sais pas ce qui vous a pris, Gandalf, dit-il. Vous n'avez jamais été ainsi. Qu'est-ce que tout cela veut dire ? L'anneau est à moi, non ? Je l'ai trouvé, et Gollum m'aurait tué si je ne l'avais gardé. Je ne suis pas un voleur, quoi qu'il en ait dit. 
- Je ne vous ai jamais traité de voleur, répliqua Gandalf. Et je n'en suis pas un non plus. Je ne cherche pas à vous dépouiller, mais à vous aider. Je voudrais que vous ayez confiance en moi, comme dans le passé. 
Il se détourna, et l'ombre passa. Il parut se réduire de nouveau à un vieillard grisonnant, courbé et inquiet. 
Bilbon se passa la main sur les yeux. 
- Je regrette, dit-il. Mais j'ai eu une impression si bizarre! Et pourtant ce serait un soulagement d'un certain côté de ne plus avoir à m'en soucier. Il a pris une place tellement croissante dans mon esprit ces derniers temps. J'ai eu parfois l'impression que c'était un oeil qui me regardait. Et je suis tout le temps à vouloir le mettre et disparaître, vous savez; ou à me demander s'il est en sécurité et à le sortir pour m'en assurer. J'ai essayé de le mettre sous clef, mais je me suis aperçu que je n'avais aucun repos s'il n'était dans ma poche. Je ne sais pas pourquoi. Et il me semble que je ne puisse me décider. 
- Alors, croyez-m'en, dit Gandalf. C'est tout décidé. Partez et laissez-le derrière vous. Cessez de le posséder. Donnez-le à Frodon, et je veillerai sur celui-ci. 
Bilbon resta un moment tendu et indécis. Bientôt, il soupira: 
- Bon, dit-il avec effort, je le ferai. (Puis il haussa les épaules avec un sourire assez triste.) Après tout, c'était là le but de toute cette réception, en vérité: distribuer des tas de cadeaux d'anniversaire et rendre en quelque sorte plus facile de le donner du même coup. Cela n'a rien facilité en fin de compte, mais ce serait pitié que de gâcher tous mes préparatifs. Cela gâterait complètement la plaisanterie. 
- En fait, cela supprimerait la seule raison que j'aie vue en l'affaire, dit Gandalf. 
- C'est bon, dit Bilbon, il ira à Frodon avec tout le reste (il respira profondément). Et maintenant il faut vraiment que je parte, sans quoi quelqu'un d'autre m'attrapera. J'ai fait mes adieux, et je ne pourrais supporter de tout recommencer. 
Il ramassa son sac et se dirigea vers la porte. 
- Vous avez toujours l'anneau dans votre poche, dit le magicien. 
- Ah, c'est vrai! s'écria Bilbon. Et aussi mon testament et tous les autres documents. Vous feriez mieux de le prendre et de le donner pour moi. Ce sera plus sur. 
- Non, ne me donnez pas l'anneau, dit Gandalf. Mettez-le sur la cheminée. Il sera assez en sûreté là, jusqu'à ce que Frodon vienne. Je l'attendrai ici. 
Bilbon sortit l'enveloppe, mais au moment de la poser à côté de la pendule, sa main eut un brusque mouvement de recul, et le paquet tomba à terre. Avant même qu'il eût pu le ramasser, le vieillard s'était baissé, l'avait saisi et l'avait mis à sa place. Un éclair de colère passa derechef sur le visage du Hobbit; mais il céda soudain à une expression de soulagement, accompagnée d'un rire. 
- Eh bien, voilà qui est fait! dit-il. Et maintenant, je file! 
Ils sortirent dans le vestibule. Bilbon choisit dans le porte-parapluies sa canne préférée; puis il siffla. Trois Nains sortirent de pièces différentes où ils s'étaient affairés. 
- Tout est-il prêt? demanda Bilbon. Tout est empaqueté et étiqueté? 
- Tout, répondirent-ils. 
- Eh bien, en route, alors! 
Il franchit la porte d'entrée. 
C'était une belle nuit, et le ciel noir était piqueté d'étoiles. Il leva la tête, humant l'air: 
- Quelle chic chose! Quelle chic chose que de repartir, de repartir sur la route avec des Nains! C'est ce après quoi j'ai soupiré depuis des années! Adieu! dit-il, regardant sa vieille maison et s'inclinant devant la porte. Adieu, Gandalf! 
- Adieu, pour le moment, Bilbon Prenez bien soin de vous! Vous êtes assez vieux, et peut-être assez sage. 
- Prendre soin! Je ne m'en soucie pas. Ne vous en faites pas pour moi! Je suis plus heureux que jamais, et c'est beaucoup dire. Mais le moment est venu. Je suis entraîné enfin, ajouta-t-il. 
Puis, à mi-voix, comme pour lui-même, il chanta doucement dans l'obscurité: 
 
La route se poursuit sans fin 
Descendant de la porte où elle commença.  
Maintenant, loin en avant, la route s'étire 
Et je la dois suivre, si je le puis,  
La parcourant d'un pied avide  
Jusqu'à ce qu'elle rejoigne quelque voie plus grande  
Où se joignent maints chemins et maintes courses.  
Et vers quel lieu, alors? Je ne saurais le dire. 
 
Il s'arrêta et resta un moment silencieux. Puis, sans ajouter un mot, il se détourna des lumières et des voix dans le champ et dans les tentes, et, suivi de ses trois compagnons, il passa dans son jardin et s'en fut en trottinant dans la longue allée descendante. En bas, il sauta par-dessus une encoche dans la haie et se lança dans les prés, passant dans la nuit comme un bruissement du vent dans l'herbe. 
Gandalf resta un moment à le suivre du regard dans les ténèbres. 
" Adieu! cher Bilbon, jusqu'à notre prochaine rencontre! " dit-il doucement, et il repassa à l'intérieur. 
 
Frodon rentra peu après et le trouva assis dans l'obscurité, plongé dans ses pensées: 
- Il est parti? demanda-t-il. 
- Oui, répondit Gandalf, il est parti enfin. 
- Je voudrais... je veux dire que, jusqu'à ce soir, j'avais espéré que ce n'était qu'une farce, dit Frodon. Mais je savais au fond de mon cceur qu'il avait vraiment l'intention de partir. Il avait toujours l'habitude de plaisanter sur les choses sérieuses. Je regrette de ne pas être revenu plus tôt, juste pour le voir partir. 
- Je crois vraiment qu'il préférait partir tranquillement en catimini à la fin, dit Gandalf. Ne soyez pas trop inquiet. Il se débrouillera très bien, maintenant. Il a laissé un paquet pour vous. Le voilà ! 
Frodon prit l'enveloppe sur la cheminée et y jeta un coup d'oeil, mais il ne l'ouvrit pas. 
- Vous trouverez là-dedans son testament et tous les autres documents, je pense, dit le magicien. Vous êtes maintenant le maitre de Cul-de-Sac. Et vous trouverez aussi, j'ai idée, un anneau d'or. 
- L'anneau ! s'écria Frodon. Il me l'a laissé ? Je me demande pourquoi. Enfin, il peut être utile. 
- Il peut l'être comme il peut ne pas l'être, dit Gandalf. A votre place, je ne m'en servirais pas. Mais tenez-le secret et en sécurité! Et maintenant, je vais me coucher. 
Maitre de Cul-de-Sac, Frodon sentit qu'il était de son pénible devoir de dire adieu aux invités. Des rumeurs d'événements étranges avaient alors envahi tout le champ. Mais Frodon déclara seulement que sans nul doute, tout serait éclairci le lendemain matin. Vers minuit, des voitures vinrent chercher les gens importants. Une à une, elles s'en furent, emplies de Hobbits repus mais insatisfaits. Des dispositions avaient été prises pour faire venir des jardiniers, lesquels emportèrent dans des brouettes ceux qui étaient demeurés là par inadvertance. 
La nuit passa lentement. Le soleil se leva. Les Hobbits se levèrent assez tard. La matinée continua. Des gens vinrent et commencèrent (par ordre) à enlever les pavillons et les cuillers, les couteaux, les bouteilles et les assiéttes et les lanternes, et les arbrisseaux fleuris dans leurs caisses, et les miettes et les papiers de diablotins, les sacs, les gants et les mouchoirs oubliés, et la nourriture non consommée (élément très restreint). Puis un certain nombre d'autres gens vinrent (sans ordre): des Sacquet et des Bophin, des Bolger, des Touque, et d'autres convives qui habitaient ou séjournaient dans les environs. Vers midi, quand même les mieux nourris furent sur pied et ressortis, il y eut une grande affluence à Cul-de-Sac, non invitée mais non pas inattendue. 
Frodon se tenait sur le seuil de la porte, souriant, mais l'air assez fatigué et soucieux. Il accueillit tous les visiteurs, mais il n'avait guère plus à dire que précédemment. Sa réponse à toutes les questions était simplement la suivante : 
" M. Bilbon Sacquet est parti définitivement, pour autant que je sache."  
Il invita certains visiteurs à entrer, Bilbon ayant laissé pour eux des " messages ". 
A l'intérieur, dans le vestibule, était entassé un grand assortiment de paquets et de petits meubles. A chaque objet était attaché une étiquette. Il y en avait plusieurs de ce genre : 
Pour Adelard Touque, pour son usage TRES PERSONNEL, de la part de Bilbon, sur un parapluie. Adelard en avait emporté un grand nombre non étiquetés. 
Pour DORA SACQUET, en souvenir d'une LONGUE correspondance, avec l'affection de Bilbon, sur une vaste corbeille à papiers. Dora était la soeur de Drogon et l'ainée des parentes survivantes de Bilbon et de Frodon; elle avait quatre-vingt-dix-neuf ans, et elle avait écrit des pages et des pages de bons conseils durant plus d'un demi-siècle. 
Pour MILON FOUINE, dans l'espoir que ceci lui sera utile, de la part de B.B., sur une plume et un encrier d'or. Milon ne répondait jamais aux lettres. 
 
A l'usage d'ANGELICA, de la part d'Oncle Bilbon, sur un miroir rond convexe. C'était une jeune Sacquet, qui considérait trop manifestement son visage comme attrayant. 
Pour la collection de HUGO SANGLEBUC, de ta part d'un contributeur, sur une bibliothèque (vide). Hugo était un grand emprunteur de livres et en dessous de la moyenne pour ce qui était de les rendre. 
Pour LOBELIA SACQUET DE BESACE, en CADEAU, sur un coffret de cuillers d'argent. Bilbon la soupçonnait d'avoir acquis une bonne part de ses cuillers, durant son absence au cours de son voyage précédent. Lobelia le savait fort bien. A son arrivée, mais un peu plus tard dans la journée, elle saisit aussitôt l'allusion, mais elle saisit aussi les cuillers. 
C'est là seulement une petite sélection des cadeaux rassemblés. La résidence de Bilbon s'était un peu encombrée de toutes sortes de choses au cours de sa longue vie. Les trous de Hobbits y avaient tendance, et la coutume de donner tant de cadeaux d'anniversaire en était largement responsable. Non, bien sûr, que les cadeaux d'anniversaire fussent toujours neuf, deux ou trois mathoms dont l'usage était complètement oublié avaient fait le tour de toute la région; mais Bilbon avait généralement donné des cadeaux neufs et gardé ceux qu'il recevait. On dégageait un peu le vieux trou à présent. 
Chacun des différents cadeaux d'adieu portait une étiquette, écrite de la main même de Bilbon, et plusieurs comportaient quelque allusion ou quelques farces. Mais, naturellement, la plupart des objets étaient donnés là où ils seraient utiles et les bienvenus. Les Hobbits les plus pauvres, et particulièrement ceux du Chemin des Trous-du-Talus, furent bien servis. Le Vieux Gamegie l'Ancien reçut deux sacs de pommes de terre, une bêche neuve, un gilet de laine et un flacon de liniment pour les jointures croquantes. Le Vieux Rory Brandebouc, en remerciement d'une grande hospitalité, eut une douzaine de bouteilles de Vieux Clos: un vin rouge corsé du Quartier Sud, maintenant tout à fait mûri, car il avait été mis en cave par le père de Bilbon. Rory pardonna entièrement à Bilbon, et déclara, dès la première bouteille bue, que c'était un type épatant. 
Il restait de tout en abondance pour Frodon. Et naturellement, tous les principaux trésors, ainsi que les livres, les tableaux et des meubles plus qu'en suffisance furent laissés en sa possession. Il n'y avait toutefois aucune mention d'argent ni de joyaux: pas un sou ni une perle de verre ne lui furent donnés. 
 
Frodon eut fort à faire cet après-midi-là. Une fausse rumeur se répandit comme une trainée de poudre comme quoi tout le contenu de la maison était distribué gratis, et celle-ci ne tarda pas à être bourrée de gens qui n'avaient aucun motif d'y être, mais que l'on ne pouvait empêcher d'entrer. Des étiquettes furent arrachées et mélangées, et les disputes éclatèrent. Certains tentèrent de faire des trocs et des marchés dans le vestibule; et d'autres essayèrent de filer avec de menus objets qui ne leur étaient pas adressés ou avec toute chose qui semblait sans destination et sans surveillance. La route menant au portail était embouteillée de brouettes et de voitures à bras. 
Au milieu de tout ce remue-ménage, arrivèrent les Sacquet de Besace. Frodon s'était retiré un moment laissant à son ami Merry (2) Brandebouc le soin d'avoir l'oeil sur tout. Quand Othon demanda avec force à voir Frodon, Merry s'inclina poliment. 
- Il est indisposé, dit-il. Il se repose. 
- Il se cache, vous voulez dire, s'écria Lobelia. En tout cas, nous voulons le voir, et nous en avons la ferme intention. Allez simplement le lui dire ! 
Merry les laissa un long moment dans le vestibule, et ils eurent le loisir de découvrir leur cadeau d'adieu: les cuillers. Leur humeur n'en fut pas améliorée. Finalement ils furent introduits dans le bureau. Frodon y était assis à une table, avec une masse de papiers devant lui. Il paraissait indisposé - de voir les Sacquet de Besace, en tout cas; et il se leva, tripotant quelque chose dans sa poche. Mais il parla tout à fait poliment. 
Les Sacquet de Besace se montrèrent assez désagréables. Ils commencèrent par lui offrir de vils prix de rabais (comme entre amis) pour divers objets de valeur qui ne portaient pas d'étiquette. Quand Frodon répondit que seules les choses spécialement adressées par Bilbon étaient distribuées, ils déclarèrent que toute l'affaire était très louche. 
- Il n'y a qu'une chose de claire pour moi, dit Othon: c'est que vous en sortez extrêmement à votre avantage. J'exige de voir le testament. 
Sans l'adoption de Frodon, Othon aurait été l'héritier de Bilbon. Il lut soigneusement le testament et eut un reniflement de mépris. Le document était, malheureusement, tout à fait clair et correct (conformément aux coutumes juridiques des Hobbits, qui exigent entre autres choses sept signatures de témoins à l'encre rouge). 
- Refaits encore ! dit-il à sa femme. Et après avoir attendu soixante ans. Des cuillers ? Fichaise ! 
Il fit claquer ses doigts sous le nez de Frodon et s'en fut en clopinant. Mais il était moins facile de se débarrasser de Lobelia. Un peu plus tard, Frodon, sortant du bureau pour voir comment allaient les choses, la trouva encore là en train d'examiner les coins et les recoins et de donner de petits coups aux parquets. Il la raccompagna avec fermeté jusqu'à la porte, après l'avoir débarrassée de plusieurs petits (mais assez précieux) objets, tombés d'une façon ou d'une autre dans son parapluie. Le visage de Labella montrait les affres de l'élaboration d'une remarque finale vraiment écrasante; mais tout ce qu'elle trouva à dire, se retournant sur le seuil, fut : 
- Vous aurez à le regretter, mon jeune ami ! Pourquoi n'êtes-vous pas parti également ? Vous n'êtes pas d'ici; vous n'êtes pas un Sacquet... vous... vous êtes un Brandebouc! 
- Tu as entendu cela, Merry ? C'était une insulte, si tu veux, dit Frodon, fermant la porte derrière elle. 
- C'était un compliment, répondit Merry Brandebouc, et donc, naturellement, faux. 
 
Puis ils firent le tour du trou et expulsèrent trois jeunes Hobbits (deux Bophin et un Bolger) qui creusaient des trous dans les murs d'une des caves. Frodon en vint aussi aux mains avec le jeune Fierpied (petit-fils du vieil Odon fierpied) qui avait commencé une excavation dans la plus grande dépense, où il avait cru entendre un écho. La légende de l'or de Bilbon suscitait en même temps la curiosité et l'espoir; car l'or légendaire (mystérieusement obtenu, sinon positivement mal acquis) appartient, comme chacun sait, à qui le trouve - sauf interruption de la recherche. 
Après être venu à bout de Sancho et l'avoir poussé dehors, Frodon se laissa tomber sur une chaise du vestibule. 
- Il est temps de fermer boutique, Merry, dit-il. Boucle la porte et ne l'ouvre plus à personne aujourd'hui, apporterait-on même un bélier. 
Puis il alla se remonter d'une tardive tasse de thé. 
A peine était-il assis que quelqu'un frappa doucement à la porte d'entrée. 
" Encore Lobelia, probablement, se dit-il. Elle a dû trouver quelque chose de vraiment méchant et elle sera revenue me le jeter à la figure. Ça peut attendre. " 
Il continua de boire son thé. Les coups se renouvelèrent, beaucoup plus forts, mais il ne s'en soucia aucunement. Soudain, la tête du magicien apparru à la fenêtre. 
- Si vous ne m'ouvrez pas, Frodon, je vais faire sauter votre porte jusqu'au fond de votre trou et au-delà à travers la colline, dit-il. 
- Mon cher Gandalf! Une seconde! s'écria Frodon, se précipitant hors de la pièce vers la porte. Entrez! Entrez! Je croyais que c'était Lobelia. 
- Dans ce cas, je vous pardonne. Mais je l'ai vue il y a quelque temps, conduisant un tonneau à poney en direction de Lèzeau avec une figure à faire cailler du lait frais. 
- Elle m'a déjà presque figé moi-même. Franchement j'ai failli essayer de l'anneau de Bilbon. Je n'avais qu'une envie, c'était de disparaitre. 
- Ne faites pas cela! dit Gandalf, s'asseyant. Prenez garde à cet anneau, Frodon. En fait, c'est en partie à ce sujet que je suis venu vous dire un dernier mot. 
- Quoi donc ? 
- Que savez-vous déjà ? 
- Seulement ce que Bilbon m'en a dit. J'ai entendu son histoire: comment il l'avait trouvé et comment il s'en était servi, au cours de son voyage je veux dire. 
- Quelle histoire, je me demande, dit Gandalf. 
- Oh, pas celle qu'il a racontée aux Nains et qu'il a consignée dans son livre, dit Frodon. Il m'a dit l'histoire véritable quand je fus venu habiter ici. Il m'a dit que vous l'aviez harcelé jusqu'à ce qu'il vous l'ait racontée, et qu'autant valait donc que je la connaisse. " Pas de secrets entre nous, Frodon, me dit-il; mais ils ne doivent pas aller plus loin. Il est à moi, de toute façon. " 
- Voilà qui est intéressant, dit Gandalf. Alors, qu'avez-vous pensé de tout cela? 
- Si vous entendez l'invention au sujet d'un " cadeau ", eh bien, j'ai trouvé l'histoire réelle beaucoup plus vraisemblable, et je n'ai pas compris pourquoi y avoir rien changé. Cela ressemblait très peu à Bilbon de le faire, de toute façon; et j'ai trouvé la chose plutôt curieuse. 
- Moi aussi. Mais de curieuses choses peuvent arriver aux gens qui possèdent pareils trésors, s'ils s'en servent. Que ce vous soit un avertissement d'être très prudent en ce qui concerne l'anneau. Il peut avoir d'autres propriétés que de vous faire disparaître à volonté. 
- Je ne comprends pas, dit Frodon. 
- Ni moi non plus, répondit le.magicien. Je viens seulement de commencer à m'interroger sur cet anneau, surtout depuis la nuit dernière. Il y a matière à s'inquiéter. Mais si vous m'en croyez, vous l'utiliserez très rarement, sinon pas du tout. Je vous demande au moins de ne vous en servir en aucune façon qui soit de nature à faire jaser ou à susciter des soupçons. Je vous le répète: gardez-le en sécurité et gardez-le secret! 
- Vous êtes bien mystérieux! Que redoutez-vous? 
- Je n'ai aucune certitude; je ne parlerai donc pas davantage. Peut-être pourrai-je vous dire quelque chose quand je reviendrai. Je pars tout de suite: ainsi c'est un au revoir pour le moment. 
Il se leva. 
- Tout de suite! s'écria Frodon. Je croyais que vous restiez encore au moins une semaine. Je comptais sur votre aide. 
- Telle était mon intention, mais j'ai dû changer d'idée. Il se peut que je sois absent un bon moment; mais je reviendrai vous voir, aussitôt que je le pourrai. Attendez-moi pour quand vous me verrez! Je viendrai en catimini. Je ne reparaîtrai pas souvent ouvertement dans la Comté. Je m'aperçois que je suis devenu plutôt impopulaire. On dit que je suis un gêneur et un trublion. D'aucuns m'accusent positivement d'avoir fait disparaître Bilbon par enchantement, ou pis. Si vous voulez le savoir, on suppose qu'il y a eu complot entre vous et moi pour nous emparer de sa fortune. 
- D'aucuns! s'exclama Frodon. Vous voulez dire Othon et Lobelia. Quelle abomination! Je leur donnerais Cul-de-Sac et tout le reste, si seulement je pouvais ramener Bilbon et aller battre le pays avec lui. J'aime la Comté. Mais je commence à souhaiter en quelque sorte d'être parti aussi. Je me demande si je le reverrai jamais. 
- Moi aussi, dit Gandalf. Et je me demande bien d'autres choses. Adieu, maintenant! Ayez soin de vous-même! Guettez-moi, surtout aux moments les moins probables! Au revoir! 
Frodon l'accompagna à la porte. Gandalf fit un dernier geste de la main et s'en fut d'un pas surprenant; mais Frodon trouva que le vieux magicien paraissait inhabituellement courbé, presque comme sous une lourde charge. Le soir tombait, et sa silhouette enveloppée dans son grand manteau s'évanouit rapidement dans le crépuscule. Frodon ne devait pas le revoir de longtemps. 
 
 
(1) Proudfoot signifie Fierpied; c'est un nom, donc invariable. mais le pluriel de foot est feet. 
(2) Abréviation du prénom Meriadoc. qui signifie en même temps "joyeux". 
 
 
Chapitre II
 
L’Ombre Du Passé
 
 
Les commentaires ne s'éteignirent pas en neuf jours, ni même en quatre-vingt-dix-neuf. La seconde disparition de M. Bilbon Sacquet fut discutée à Hobbitebourg et, en fait, dans toute la Comté durant un an et un jour, et on s'en souvint encore beaucoup plus longtemps. Elle devint un conte du coin du feu pour les jeunes Hobbits; et, en fin de compte, Sacquet le Fou, qui disparaissait avec fracas dans un éclair pour reparaître avec des sacs de joyaux et d'or, devint un personnage de légende favori qui continua de vivre bien après que tous les événements réels eurent été oubliés. 
Mais entre-temps l'opinion générale dans le voisinage était que Bilbon, qui avait toujours été un peu timbré, avait fini par devenir complètement fou et s'était enfoui dans l'inconnu. Là, il avait sans nul doute chu dans un étang ou une rivière et avait trouvé une fin tragique, sinon prématurée. On en fit principalement grief à Gandalf. 
" Si seulement ce sacré magicien veut bien laisser le jeune Frodon tranquille, peut-être celui-ci s'assagira-t-il et développera-t-il quelque bon sens de Hobbit ", disait-on. Et selon toute apparence le magicien laissa effectivement Frodon tranquille; celui-ci se rangea, mais le développement du bon sens de Hobbit ne fut guère perceptible. En fait, il commença aussitôt à poursuivre la réputation d'excentricité de Bilbon. Il refusa de porter le deuil; et, l'année suivante, il donna une réception en l'honneur du cent douzième anniversaire de son oncle, qu'il qualifia de Fête des 112 livres (1). Mais ce n'était pas tout à fait exact, car il y eut vingt invités et plusieurs repas où il neigea de la nourriture et plut de la boisson, comme disent les Hobbits. 
D'aucuns furent assez choqués; mais Frodon conserva l'habitude de célébrer la Fête de Bilbon, année après année, tant et si bien qu'on s'y accoutuma. Il ne pensait pas que Bilbon fût mort, disait-il. Et quand on lui demandait: " Où est-il, alors ? ", il se contentait de hausser les épaules. 
Il vivait seul, comme Bilbon; mais il avait bon nombre d'amis, surtout parmi la jeune génération des Hobbits (descendants pour la plupart du Vieux Touque), qui, enfants, avaient aimé Bilbon et étaient souvent fourrés à Cul-de-Sac. Foulque Bophin et Fredegar Bolger étaient de ceux-ci, mais ses amis les plus intimes étaient Peregrin Touque (généralement appelé Pippin (1) et Merry Brandebouc (son nom véritable était Meriadoc, mais on s'en souvenait rarement). Frodon parcourait la Comté à pied avec eux, il lui arrivait toutefois encore plus souvent de vagabonder seul et il provoquait l'étonnement des gens raisonnables qui le voyaient parfois loin de chez lui, marchant dans les collines et les bois à la clarté des étoiles. Merry et Pippin le soupçonnaient de rendre parfois visite aux Elfes, comme le faisait Bilbon. 
Avec le temps, on commença de remarquer que Frodon, lui aussi, présentait des signes de bonne " conservation " : d'extérieur, il gardait l'apparence d'un robuste et énergique Hobbit juste sorti de l'entre-deux âges. " Il y en a qui ont toutes les veines! " disait-on; mais ce ne fut pas avant que Frodon approchât de l'âge plus rassis de cinquante ans que l'on commença à trouver la chose bizarre. 
Frodon lui-même, après le premier choc, trouvait qu'être son propre maître et le (2) M. Sacquet de Cul-de-Sac était assez agréable. Durant quelques années, il fut parfaitement heureux et il ne se soucia guère de l'avenir. Mais, à moitié à son insu, le regret de n'être pas parti avec Bilbon croissait régulièrement. Il s'aperçut qu'il pensait parfois, surtout en automne, aux Terres Sauvages, et d'étranges visions de montagnes qu'il n'avait jamais vues hantaient ses rêves. Il se mit à penser: " Peut-être franchirai-je moi-même la rivière, un jour. A quoi l'autre moitié de son esprit répondait toujours: " Pas encore. "  
Ainsi allèrent les choses jusqu'au moment où il frisa la cinquantaine. Son anniversaire approchait, et cinquante était un chiffre qui lui paraissait avoir quelque importance (ou augurer quelque chose). C'était en tout cas à cet âge que l'aventure était soudain advenue à Bilbon. Frodon commença de ressentir de l'agitation, et les vieux chemins lui paraissaient trop battus. Il regardait des cartes et se demandait ce qu'il y avait au-delà de leur bordure: celles qui étaient faites dans la Comté montraient surtout des espaces blancs à l'extérieur des frontières. Il se mit à vagabonder de plus en plus loin et le plus souvent seul; et Merry et ses autres amis l'observaient avec inquiétude. On le voyait souvent marcher en parlant avec les voyageurs étrangers qui commençaient à cette époque d'apparaître dans la Comté. 
Il y eut des rumeurs d'étranges choses qui se passaient dans le monde extérieur, et comme Gandalf n'avait pas encore reparu et n'avait pas envoyé de messages depuis plusieurs années, Frodon récoltait toutes les nouvelles qu'il pouvait avoir. On voyait maintenant des Elfes, qui se promenaient rarement dans la Comté, traverser le soir les bois en direction de l'ouest; ils passaient et ne revenaient pas: mais ils quittaient la Terre du Milieu et ils ne se souciaient plus de ses problèmes. Il y avait toutefois des Nains sur la route, en nombre inhabituel. L'ancienne route est-ouest traversait la Comté jusqu'à son extrémité aux Havres Gris, et les Nains l'avaient toujours empruntée pour se rendre à leurs mines des Montagnes Bleues. Les Hobbits trouvaient chez eux la source principale de nouvelles des terres lointaines, s'ils en voulaient: en règle générale, les nains parlaient peu, et les Hobbits n'en demandaient pas davantage. Mais à présent Frodon rencontrait souvent des Nains de pays éloignés, qui cherchaient refuge dans l'ouest. Ils étaient inquiets, et certains d'entre eux parlaient à mi-voix de l'Ennemi et du Pays de Mordor. 
Ce nom, les Hobbits ne le connaissaient que par les légendes du ténébreux passé, comme une ombre à l'arrière-plan de leur mémoire; mais il était sinistre et inquiétant. Il semblait que la puissance mauvaise de la Forêt Noire n'eût été chassée par le Conseil Blanc que pour reparaître avec davantage de vigueur dans les anciennes places fortes de Mordor. La Tour Noire avait été reconstruite, à ce qu'on disait. De là, la puissance s'étendait de tous côtés; au loin, à l'est et au sud, il y avait des guerres, et la peur croissait. Les orgues se multipliaient de nouveau dans les montagnes. Les trolls se répandaient, non plus obtus, mais rusés et munis d'armes redoutables. Et on murmurait qu'il existait des créatures plus terribles que toutes les précédentes, mais elles n avaient pas de nom.  
De tout cela, peu de chose atteignait les oreilles du commun des Hobbits, naturellement. Mais même les plus sourds et les plus casaniers commençaient à entendre de curieuses histoires, et ceux que leurs affaires amenaient aux confins du pays voyaient d'étranges choses. La conversation au Dragon Vert de Lèzeau, un soir de printemps de la cinquantième armée de Frodon, montrait que même au confortable coeur de la Comté des rumeurs s'étaient fait entendre, encore que la plupart des Hobbits continuassent de s'en moquer. 
Sam Gamegie était assis dans un coin près du feu; en face de lui se trouvait Ted Rouquin, le fils du meunier, et divers autres campagnards hobbits écoutaient leur conversation. 
- On entend de curieuses choses, ces temps-ci, pour sûr, dit Sam. 
- Ah, dit Ted, on les entend si on y prête l'oreille. Mais je peux entendre des contes de coin du feu et des légendes pour enfants à la maison, s'il me plaît. 
- Sans doute, répliqua Sam, et je dois dire qu'il y a plus de vérité dans certains qu'on ne le pense. Qui a inventé ces histoires, de toute façon ? Prenez les dragons, par exemple. 
- Non, merci, dit Ted, riant avec les autres. Mais qu'en est il de ces Hommes-arbres, ces géants, comme qui dirait ? On raconte bien qu'on en a vu un plus grand qu'un arbre là-bas au-delà des Landes du Nord, il n'y a pas très longtemps. 
- Qui ça, on ? 
- Mon cousin Hal pour commencer. Il travaille pour M. Bophin à Par-delà-la-Colline, et il va dans le Quartier Nord pour la chasse. Il en a vu un. 
- Il le dit peut-être. Ton Hal est tout le temps à dire qu'il a vu des choses; et peut-être en voit-il qui ne sont point là. 
- Mais celui-ci était aussi grand qu'un orme, et il marchait, il faisait plusieurs mètre à chaque enjambée, si c'était un pouce. 
- Eh bien, je parie que ce n'était pas un pouce. Ce qu'il a vu, c'était probablement un orme. 
- Mais celui-là marchait, que je vous dis, et il n'y a pas d'ormes sur les Landes du Nord. 
- Dans ce cas, il n'a pas pu en voir, dit Ted. 
Il y eut des rires et des applaudissements; l'auditoire semblait juger que Ted avait marqué un point. 
- Tout de même, dit Sam, vous ne pouvez nier que d'autres que notre Halfast aient vu des gens bizarres traverser la Comté - la traverser, notez bien: il y en a d'autres qui sont retournés aux frontières. Les frontières n'ont jamais été aussi actives. 
- Et j'ai entendu dire que des Elfes se déplacent vers l'ouest. Ils déclarent qu'ils vont aux havres, bien au-delà des Tours Blanches. 
Sam agita vaguement le bras: ni lui ni personne d'entre eux ne savait à quelle distance était la mer, après les vieilles tours au-delà des frontières occidentales de la Comté. Mais une ancienne tradition voulait que là-bas se trouvent les Havres Gris, d'où parfois les navires elfiques prenaient la mer pour ne jamais revenir. 
- Ils naviguent, naviguent, naviguent sur la mer; ils s'en vont vers l'ouest et ils nous quittent, dit Sam, psalmodiant presque les mots et hochant la tête avec tristesse et solennité. 
Mais Ted rit. 
- Eh bien, cela n'a rien de nouveau, si l'on en croit les vieux contes. Et je ne vois pas ce que cela nous fait, à toi ou à moi. Qu'ils naviguent! Mais je suis bien certain que tu ne les as pas vus faire; ni personne d'autre dans la Comté. 
- Enfin, je ne sais pas, dit Sam pensivement. (Il croyait avoir vu une fois un Elfe dans les bois, et il espérait en voir d'autres un jour. De toutes les légendes qu'il avait entendues dans son jeune âge, des passages de contes et d'histoires à demi retenus au sujet des Elfes que connaissaient les Hobbits l'avaient toujours le plus profondément ému.) Il y en a, même par ici, qui connaissent les Belles Gens et qui ont des nouvelles d'eux, dit-il. Il y a par exemple M. Sacquet, pour qui je travaille. Il m'a dit qu'ils naviguaient, et il en connaît un bout sur les Elfes. Et le vieux M. Bilbon en savait encore davantage: j'en ai eu des conversations avec lui quand j'étais gosse ! 
- Oh ils sont tous les deux timbrés dit Ted. Ou du moins le vieux Bilbon l'était, et Frodon le devient. Si c'est de là que tu prends tes renseignements, tu ne manqueras jamais de fariboles. Eh bien, les amis, je rentre chez moi. A votre bonne santé ! 
Il vida sa chope et sortit sans bruit. 
Sam resta assis en silence et ne dit plus rien. Il avait ample matière à réflexion. Tout d'abord, il y avait beaucoup à faire dans le jardin de Cul-de-Sac, et il aurait une journée chargée le lendemain, si le temps se nettoyait. L'herbe poussait vite. Mais Sam avait autre chose en tête que le jardinage. Après un moment, il poussa un soupir, se leva et sortit. 
On était au début d'avril, et le ciel se nettoyait à présent après une lourde pluie. Le soleil était couché, et un crépuscule pâle et froid se perdait tranquillement dans la nuit. Sam rentra à pied sous les premières étoiles à travers Hobbitebourg et le long de la colline, sifflant doucement et remuant ses pensées. 
 
 
(1) Unité de poids. 
(2) Pippin: pomme rainette. 
(3) " Le " dénote le chef de clan. 

(c) Valentin - - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 1.09.2004
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